Chronique

Eddy Gaulein-Stef Quintet

Many Faces

Hervé Gourdikian (sax), Eric Ybanez (p), Eddy Gaulein-Stef (b), Chris Henry (dm), Bago (perc), avec Chucho Valdes (p) et Philippe Kamoun (perc).

Label / Distribution : Colibri Jazz Production

Trois anciens d’Ultramarine se retrouvent pour un disque : Eddy Gaulein-Stef, Bago et Chris Henry ont en effet participé à l’aventure de ce groupe créé au début des années 80 avec le guitariste N’guyen Lê. Comme Sixun, Ultramarine fut l’un des pionnier d’un « jazz-rock métissé ». Cette fois, sous la houlette du bassiste, le quintet plonge dans un jazz empreint de musique des Caraïbes.

Les dix thèmes, l’introduction et la conclusion ont été écrits par le bassiste. Dans l’ensemble, ils sont simples et mélodieux, à l’image de « Périph’Ouest », « Miss Colibri », « Moonland » et « Out of Favelas ». Les (poly-)rythmes invitent à la danse de bout en bout : groovy sur « Miss Colibri » et « Soweto », festifs dans « Mascareeen Islands », funky dans « No U Turn », plus une farandole dans l’« Ouverture pour Toussaint » (faisons la révolution gaiement !) et des accents de biguine dans « Out of Favelas »…

L’architecture renforce encore l’accent mis sur la section rythmique : basse, batterie et percussion « chauffent » les morceaux avant que le piano et le saxophone n’entrent dans la ronde. Henry, Bago et Gaulein-Steff visent l’efficacité avant la subtilité, et y réussissent fort bien. Éric Ybanez, très à l’aise dans cet environnement, à l’image de son solo très swing dans « Out of Favelas », alterne sonorités électriques (très années 70 - « Miss Colibri », « Mascareeen Islands » ) et acoustiques. Quant à Hervé Gourdikian, qui remplace Jean-Jacques Taïb, le soufflant habituel, il s’est parfaitement intégré au groupe. Ses solos restent mélodieux (en particulier au soprano, comme dans « Miss Colibri » et « Moonland ») sans se départir d’un balancement bienvenu (« Mascareeen Islands » et « Soweto »). La tenue du jeu de Gourdikian permet certainement à la musique du quintet d’éviter l’écueil du « club-de-loisir-et-chemisette-à-fleurs ».

Pour compléter cette virée dans les îles, Gaulein-Stef a invité le célèbre pianiste cubain Chucho Valdés sur deux morceaux (seulement !) : le prologue et l’épilogue (qui ne font qu’un), et « Mister Boy ». Sur des rythmes qui oscillent entre binaire et salsa, ce dernier permet à Valdés de laisser libre cours à son si séduisant lyrisme « swinguant »…

Fidèle aux critères du « jazz des Caraïbes », Many Faces est un album tropical et joyeux ; Gaulein-Stef et ses compagnons invitent les auditeurs à la danse, sans se poser trop de questions…