Chronique

Elina Duni

Partir

Elina Duni (voc, g, p, perc)

Label / Distribution : ECM

L’art consiste souvent à transcender le sentiment en le métamorphosant - en le métamorphisant parfois. Album d’une rupture, Partir ne pouvait être qu’un solo. Puisque plus personne ne l’accompagne dans la vie, Elina Duni accompagne sa propre voix : piano, percussions, guitare, c’est elle, elle seule.

À voix nue, comme de juste, à peine escortée par quelques notes ou une simple réverbération dosée au millimètre (les studios de La Buissonne, évidemment), elle énonce avec douceur, justesse et gravité les textes de douze chants de départ. Adieux à l’amour ou à la mère patrie, chants d’émigration ou d’exil venus de toute l’Europe et un peu plus. Chansons de partout, traditionnelles ou pas (on reconnaît des titres de Brel, d’Amália Rodrigues…) et une composition personnelle (« Let Us Dive In »). Paroles italiennes, anglaises, portugaises, yiddish, albanaises, françaises, arméniennes, arabo-andalouses… comme si l’on appelait à soi toutes les façons de chanter la séparation pour trouver la sienne propre, et se prouver qu’il y en a d’autres, une infinité d’autres, toutes sœurs et chacune singulière. Comme si en buvant jusqu’à la lie la coupe d’amertume, en enfouissant sa perte sous tant d’autres pertes, le charbon du chagrin se transmuait lentement en un diamant minuscule et éclatant.

Album intime, éminemment personnel, Partir s’écoute à plusieurs degrés. Au premier, c’est un agréable et suave récital par une chanteuse en possession de tous ses moyens. Les autres degrés… à vous de vous y plonger.