Chronique

Emanuele Cisi

Urban Adventures

Emanuele Cisi (ts, ss), Paolo Birro (p), Simone Monnanni (b), Yoann Serra (dm) et, en invités, François Chassagnite (tp), Jean-Marc Jafet (b) et l’Architorti String Quartet avec : Efix Puleo (vln), Elena Gallafrio (vln), Elena Saccomandi (vln alto) et Marco Robino (cello).

Label / Distribution : Elabeth

Depuis quelques années l’Italie nous a habitués à des saxophonistes qui jouent plus vite que leur ombre. Emanuele Cisi n’est pas intrinsèquement de ceux-là, même si parfois ses déboulés franchissent aisément la vitesse du son. Cet ancien saxophoniste alto a finalement opté pour le ténor et le soprano, plus proches de sa sensibilité : un bop assez lyrique. Technicien hors pair, doté d’un son robuste (même au soprano) et fort d’une expérience de vieux briscard, Cisi est donc bien armé pour séduire.

Le saxophoniste a bâti Urban Adventures autour de sept compositions de son cru plus deux standards : le premier est signé Victor Young et Jack Elliott - « Weaver of Dreams » et non pas « Weather of Dreams » comme l’indique la pochette, mais qui serait néanmoins un bien joli titre -, et le deuxième n’est autre que le splendide « Quasimodo » de Charlie Parker - une interprétation de « Embreacable You » que les « puristes » nomment « Quasimado » pour respecter la « faute » d’orthographe originale de l’Oiseau. En habile metteur en scène, Cisi alterne mouvements lents et rapides, morceaux avec ou sans trompette, et langueur des cordes.

Le ton des développements et la sonorité ferme de François Chassagnite accentuent encore la couleur bop de l’ensemble. Les contre-chants à deux voix avec le saxophoniste sont du plus bel effet et auraient sans doute ravi Gerry Mulligan - en particulier ceux de « Quasimodo ». Pianiste mélodieux et un brin romantique, Paolo Birro est un habitué des duos avec Cisi, et sa discrétion contraste avec la section rythmique qui dégage un drive puissant. Yoann Serra passe d’un chabada dans l’esprit bop à un jeu plus libre, mais sans jamais se départir d’un swing allègre. Le batteur a trouvé en Simone Monnanni un comparse de choix pour imprimer un rythme soutenu à la plupart des morceaux. Auteur d’un solo incisif sur « Cieloceleste », le contrebassiste possède une walking, voire « jogging », bass légère et vive. Le quatuor intervient sur deux morceaux lents : « Lazy Rainy Sunday » et « La Notte delle Lucciole ». Comme trop souvent dans le jazz, le rôle des cordes est limitée à des phrases sirupeuses qui soulignent la partie du soliste.

Urban Adventures est un album relativement classique, mais Emanuele Cisi y appose cette marque personnelle qui fait dire à Benny Golson, auteur du texte dithyrambique de la pochette, que le saxophoniste transalpin « existe et joue avec un pied dans le présent et l’autre dans le futur »…