Chronique

Emile Parisien Quintet

Sfumato – Live in Marciac

Emile Parisien (ss), Joachim Kühn (p), Manu Codjia (g), Simon Tailleu (b), Mário Costa (d)

Label / Distribution : ACT

Depuis la fondation de ce groupe à géométrie variable l’année dernière, on a pu voir et entendre Sfumato dans différents formats : en quintet avec Julien Touéry ou Joachim Kühn au piano, et Michel Portal à la clarinette basse qui vient parfois avec, ou sans, Vincent Peirani à l’accordéon. Tout cela sous l’œil imperturbable des trois agents titulaires, Manu Codjia à la guitare, Simon Tailleu à la contrebasse et Mário Costa à la batterie. Parfois toute la troupe ensemble, comme sur le disque et sur cet enregistrement en concert à Marciac en août 2017 (pour ma part, j’ai vu ce groupe quelques semaines auparavant au festival de Jazz à Souillac).
Produit par Émile Parisien lui-même, dans une volonté de laisser une trace sonore complémentaire, augmenté d’un DVD qui permet de presque voir le concert et d’en écouter surtout quelques morceaux de plus, ce double disque est à l’image du projet Sfumato : orgiaque et chaleureux.

Mixé avec force équilibre par Boris Darley, l’exsurgent burgonde, on y entend tout.

Et tout, ce sont les mélismes acidulés de Peirani à l’accordéon, le swing rond et précis de Tailleu à la contrebasse et surtout (enfin, surtout parce qu’il n’est pas souvent mis en avant) le jeu de batterie de Mário Costa.
Certes, on pourrait répéter à quel point Kühn, Portal et Parisien sont d’excellents musiciens, mais les lecteurs de Citizen Jazz le savent maintenant. En revanche, a-t-on assez pointé du doigt l’énergie de ce batteur portugais ? Il est temps. Car sur l’ensemble des morceaux (sauf « Temptation Rag ») il assure un travail fantastique de rythmicien. Dosant ses interventions avec finesse et délicatesse pour pimenter les mélodies aériennes (sur « Balladibiza II »), il est également très présent dans les tuttis déjantés et assure un roulement de tonnerre, poussant tout le monde vers l’avant, avec un sens de la tension, de l’attente, de la surprise (à entendre en particulier sur « Le Clown tueur de la fête foraine III »). Il y a, en outre, une complicité avec Simon Tailleu qui donne une rondeur à ses coups de grosse caisse. Bref, un batteur à suivre avec attention.
Enfin, cerise sur le gâteau de ce disque, la présence de Wynton Marsalis. Émile Parisien a fait des stages de jazz avec le trompettiste à Marciac dans le temps et ce dernier – habitué du festival – est venu sur scène pour partager deux morceaux avec Sfumato. « Temptation Rag », dans un style aérien et polyphonique (sax, accordéon, trompette) que n’aurait pas rejeté son compositeur Henry Lodge (1885-1933) - auteur de nombreux ragtimes, puis « Transmitting », une pièce de Joachim Kühn interprétée par le groupe au complet, sur laquelle Marsalis semble prendre plaisir à jouer en dehors de ses plates-bandes.

On résume : le quintet augmenté d’Emile Parisien, un disque plus un film, un invité étonnant, une musique roborative et une production rapide mais soignée, voici ce qui vous est proposé. Ce genre d’opération concertée est rare, autant en profiter.

P.S. Il est noté que le mixage du disque a eu lieu avant son enregistrement… Boris Darley est un type très doué, mais pas à ce point. On corrigera.