Chronique

Emilie Škrijelj & Tom Malmendier

Les Marquises

Emilie Škrijelj (acc, turntable, elec, fx), Tom Malmendier (dms, objets)

Label / Distribution : Eux Saem

Des marquises, on n’en croise pas tous les jours. En tout cas, pas des spécimens aussi radicaux. Les marquises dont il s’agit ici sont deux, elles sont de l’Est, enfin du Grand-Est, du côté de Metz, et nous livrent une musique hérissée de griffes et d’obstacles en tout genre, pour le simple plaisir de s’y faufiler. Ces marquises, ce sont Emilie Škrijelj et Tom Malmendier. Du dernier, on sait qu’il est batteur dans le Lisbon Quartet avec Luis Vicente ; quant à la première, on avait eu plaisir à la découvrir accordéoniste avec Louis-Michel Marion ou dans le collectif Azéotropes. De quoi nous assurer d’un attrait pour les musiques improvisées et d’une absence de limites dans le traitement du son. Ce que l’on perçoit d’emblée dans le long « Des carottes dans les cheveux » qui ouvre ce premier album.

Malmendier est insatiable, il tape dans tous les coins et essaie de tenir la distance. Nous aussi : les marquises partent dans tous les sens, avec une ligne de conduite explosive et gourmande. Si Emilie Škrijelj semble dans un premier temps avoir rangé son accordéon, troqué pour des platines qu’on croirait empruntées à ErikM, on le débusque plus tard, dans « Les Chemins de Pluie » très poétiques et émaillés de field recording ou de divers samples vocaux. Les touches de nacre sont bardées d’électronique mais elles n’échappent pas à leurs rhizomes nostalgiques… Moins rageur, Malmendier cherche davantage l’aspect organique de ses peaux ; il s’incarne, se fait concret face à l’abstrait de sa comparse. Quant à l’auditeur, il pénètre dans cette forêt sans boussole ni balise, mais résolu à retrouver un chemin qui se fait d’évidence, malgré les apparents dénivelés.

Ce premier album est une expérience, qui se goûte volontiers au casque pour en débusquer toutes les subtilités. Car malgré un départ sur les chapeaux de roue, joliment provocateur, le duo travaille l’infiniment petit, le détail, traque chaque anfractuosité pour y laisser une empreinte. Il y a de l’humour certes, et une turbulence qui tient de l’espièglerie, mais il y a surtout un amour éperdu du son sous toutes ses formes, même les plus brutes, et qui devient de la matière noble. Du bois et de l’électricité dont on fait les Marquises !

par Franpi Barriaux // Publié le 10 mai 2020
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