Chronique

Erb / Baker / Rosaly

Parrot’s Paradise

Christoph Erb (ts, bcl), Jim Baker (cla), Frank Rosaly (dms)

Label / Distribution : Veto Records

Nous écrivions, sur …Don’t Buy Him a Parrot…, sorti en octobre dernier sur le prestigieux label HatHut que « Par tous les aspects, [C’est] est un épisode d’Exchange parmi d’autres, ni plus brillant, ni nimbé de davantage de mystères. ». Christoph Erb avait fait une petite entorse à son mode de distribution directe et confidentiel pour donner plus de visibilité à sa musique. Parrot’s Paradise est une réponse : voici la quinzième correspondance d’Exchange, avec Jim Baker et Frank Rosaly, deux habitués. Un pur produit Veto Records, électrique, irrespirable, visitant les coins et les recoins du son dans le feulement des anches et le fracas des peaux… L’occasion de nous laisser un doute ; et si nous nous étions trompés ? Si le disque à tranche orange était avant tout un avatar de la collection en papier kraft ?
 
Enregistré en même temps, avec le même orchestre à la synergie rodée, avec la mention semblable du perroquet, ami du flibustier, Parrot’s Paradise peut jouer au jeu des anomalies. Il y a d’abord le jeu de Baker, qui a troqué le piano pour des claviers à l’électronique vintage ; cela va de pair avec une batterie affamée qui croque le moindre temps faible pour faire tinter ses cymbales. Au milieu de ça, le ténor d’Erb est comme de la lave fraîchement épanchée : calme d’apparence, mais son déplacement inexorable en rappelle toute l’incandescence. Au terme de « Paradise One », on est même étourdi par l’omniprésence d’un trio qui cède peu à peu la place à un calme plein de tension, symbolisé par l’électricité persistante de Baker, comme une menace qui rode.
 
Cette menace, elle renaît dans les cataractes d’une clarinette basse dans « Paradise Two », second et dernier long morceau de cet album intense. Erb est omniprésent, séditieux, mais jamais trop en avant. Il ne s’agit pas, avec Parrot’s Paradise, de rallonger la sauce en ajoutant un enregistrement complémentaire, tant les synergies sont différentes. Il s’agit sans doute de créer un miroir plus ou moins déformant ; un peu comme lorsqu’un perroquet imite les voix environnantes avec un étonnant phrasé. Reformuler sans pour autant se répéter : voici la belle gageure de Christoph Erb !