Chronique

Esche

Der Dichter Spricht

Laura Schuler (vln), Luzius Schuler (p), Lisa Hoppe (b)

Label / Distribution : QFTF

Jeune violoniste zurichoise très en vue, qui sortira prochainement un solo attendu chez Veto Records, Laura Schuler a déjà une discographie assez dense alors qu’elle n’est même pas trentenaire. Auteure il y a quelques mois d’un album en quartet chez QFTF (Kronikor, avec le bassiste Silvan Jeger), elle récidive sur le même label, cette fois avec un trio assez intime qui réunit son frère Luzius Schuler au piano et la contrebassiste Lisa Hoppe, véritable révélation de cet orchestre égalitaire. Esche signe avec Der Dichter Sprich son second album, mais dans l’intimité d’un morceau comme « On a Slow Bus to China », on a le sentiment que règne dans la fratrie une forme d’osmose naturelle. L’univers chambriste du piano, marqué par la musique écrite occidentale du début du XXe, vient jouer à fleuret moucheté avec le violon, doux et insaisissable comme le reflet de la lune dans une flaque.

La contrebassiste allemande, installée à New-York, est le véritable agent trouble de ce trio. Elle ne cherche pas à casser la relation plus qu’intriquée de la famille Schuler, mais parvient à s’immiscer et à donner du relief à certains morceaux placés sous le signe de la douceur ; ainsi « Fischer », écrit par Luzius Schuler permet à la contrebasse de durcir les tintements du piano préparé et d’arrimer solidement le violon à une rythmique appuyée. On en a également l’exemple sur le plus heurté « Orkanum », œuvre de Hoppe elle-même, qui serpente entre crin et cordes comme dans un labyrinthe.

Le poète dit beaucoup de choses [1], mais ce qui est remarquable, c’est qu’il le fait dans de nombreuses langues, qu’il accommode avec souplesse comme avec goût. On passe d’un instant à l’autre d’une petite musique de nuit à des chants inspirés par le folklore populaire (« Shatterhand ») avec la même volonté : celle de dessiner à petites touches une amitié insouciante et souriante. On se laisse prendre au charme sans se faire prier.

par Franpi Barriaux // Publié le 1er juillet 2018
P.-S. :

[1la traduction du titre de l’album est « Le poète parle ».