Scènes

Europa Jazz Festival 2001

deux journées denses qui ont clôturé le festival.


Xavier Matthyssens évoque les deux derniers jours du festival manceau (30 avril et 1er mai).

Pour cette clôture de la 22ème édition de l’Europa Jazz, une affiche mêlant judicieusement figures « historiques » comme Peter Kowald, Barre Philips, Keith Tippett, Fred Van Hove, Abdullah Ibrahim, l’Instant Composer Orchestra, et la nouvelle génération ici représentée par notamment Benoît Delbecq et l’Aaly Trio. Entre les uns et les autres, une même audace, un même souci de mise en danger, une même histoire. Une question d’attitude.

Soliste, le contrebassiste Peter Kowald trouve en la Collégiale Saint- Pierre-la-Cour un écrin parfait à sa musique tant l’acoustique naturelle du lieu amplifie les timbres qu’il semble extraire de la terre. A l’état brut. Une densité qui renvoie à l’école de Wupperthal et à son illustre mentor, Peter Brötzmann.

Parmi ceux que ce dernier aura fait connaître, le saxophoniste Mats Gustafson dont le concert avec l’Aaly Trio augmenté de Ken Vandermark (saxes) constitua sans aucun doute l’un des moments les plus forts de cette édition. Un lyrisme, une respiration et une énergie à couper le souffle. Et à reléguer, loin derrière, la formation de Christophe Monniot (saxes) dont les gags, souvent éculés, priment sur la musique. Une musique elle-même pour le moins éprouvée. N’est pas Lubat qui veut !

Bien que légèrement assagi, l’Instant Composer’s Orchestra, mené tambour battant par Misha Mengelberg (p) et Han Bennink (d), n’a, en dépit des années passées depuis la naissance du collectif, en rien perdu de sa fraîcheur et de son humour. Fred Van Hove aux grandes orgues ou une certaine interprétation du « jugement dernier ». Tel l’orage au loin, un ronflement de plus en plus présent et, sous forme d’une déferlante nous envahissant petit à petit, une onde dont les vibrations sont répercutées par les hautes voûtes de la cathédrale Saint-Julien.

Plus mystique que jamais, le pianiste sud-africain Abdullah Ibrahim, ex Dollar Brand, était venu avec son trio. Ou plutôt ses serviteurs tant Beldon Bullock (b) et George Johnson (d), en retrait, ne semblent être là que pour servir leur « maître », répondant au doigt et à l’œil aux injonctions de celui-ci. Chez le pianiste, au jeu empreint de classicisme, une sobriété du phrasé et une dynamique des timbres remarquables. Une musique aussi intimiste que l’est celle proposée, dans un autre registre, par le pianiste Keith Tippett et ses partenaires, les membres du quatuor à cordes Kreutzer. Découvert en France à « Banlieues Bleues » en 1999, l’ensemble, à la croisée de la musique de chambre et de la musique contemporaine, marie avec une rare maîtrise volumes et couleurs conjugués en une œuvre impressionniste passionnante.

Le pianiste Benoît Delbecq et son quintet ont, quant à eux, malheureusement quelque peu souffert de la configuration de l’Abbaye de l’Epau tant leur musique, un rien intériorisée et faite de strates délicatement entremêlées, nécessite, chez l’auditeur, une disponibilité qu’une salle plus intime aurait favorisé. Non moins délicate, mais écoutée dans un lieu plus propice (théâtre Paul Scarron), la musique improvisée par le contrebassiste Barre Phillips, le violoncelliste Martin Schütz et le violoniste Hans Burgener aux cordes interactives. Un dialogue dont la beauté doit autant à son apparente fragilité qu’a sa luminosité.

par // Publié le 29 mai 2001