Chronique

Eve Risser

Des pas sur la neige

Eve Risser (p)

Label / Distribution : Clean Feed

J’avais été frappé - c’était à Perpignan il y a deux ou trois ans - par la façon dont Eve Risser s’engageait dans un solo de piano, avec un matériel propre à faire « parler » le clavier de façon originale sinon inusitée, mais aussi avec manifestement une idée de ce qui allait se passer tout à fait arrêtée. En tous cas, dans l’après-coup - car on ne sait pas grand chose de la boite noire de la fabrique - c’est ainsi que son œuvre apparaissait : logique, articulée, significative.

Il en va de même ici, lors d’un enregistrement qui fait la part belle à la musique, c’est à dire à l’art de combiner les sons, et pas seulement de faire résonner ces derniers, dont on sait que pas un seul ne peut nous laisser indifférent, mais que leur succession (la musique) peut parfois manquer… précisément de cohérence et de logique interne. La question de la mélodie est ici écartée : car des sons bien combinés peuvent faire tableau, et un tableau ne renvoie pas obligatoirement à une mélopée.

Bref : « Des pas dans la neige », « Des pas sur la ville » et « La neige sur la ville » sont trois tableaux d’une exposition, où chaque touche sonore est articulée à l’ensemble de façon à satisfaire l’esprit, le regard, l’écoute, la sensibilité et l’intelligence. Ce sont des espaces, des formes, des vents et des souffles, des motifs, des répétitions, des expressions, des mots parfois, des structures toujours. Et par dessus tout ce sont des propositions qui vous attirent, vous retiennent, et en même temps vous laissent totalement libres des histoires que vous allez bâtir dessus. Dans le genre, par sa rigueur et son originalité profonde, Eve Risser se glisse parmi les plus justes, et ils ne sont pas légion. Indispensable. Et on y revient sans cesse.