Scènes

Fälk à Koa Jazz

Fälk ou la narration du suspense


En première partie de Dave Douglas, le quintet montpelliérain Fälk installe sans sourciller une ambiance électrique et électronique, tenant en haleine un public bouche bée.

Dès les premières mesures, le décor est planté. Ambiance planante, aérienne, les nappes se superposent et construisent tranquillement la matière sonore. Chez Fälk, tout est texture. Le son de la guitare est travaillé comme une pièce d’orfèvrerie, les claviers synthétisent des timbres qui rappellent les années 80, la batterie est agrémentée de pads et d’effets. Cette masse est chapeautée par le sax ténor, élément organique qui donne son équilibre au tableau. Chacun des titres joue avec notre impatience en racontant une histoire dont on n’attend que la chute.

Après une longue introduction mettant en scène un univers vaste et désertique, avec claviers métalliques et percutants et batterie démembrée, la basse de Romain Delorme résout toute la tension et réorganise la scène. La ligne, lourde, inexorable, emporte tout sur son passage avec l’inertie d’un rouleau compresseur. La batterie de Maxime Rouayroux, qui la rejoint progressivement, s’y colle comme une évidence, et la guitare et le sax hypnotisés par la rythmique entonnent à l’unisson un thème de transe tout en valeurs longues. Rémi Ploton triture ses claviers pour accentuer encore le chaos inéluctable vers lequel Fälk nous emmène. Le solo de Gilles Yvanez qui s’en suit fait encore enfler le suspense ; dans un film, il illustrerait à la perfection le long chemin menant au cataclysme.

La personnalité musicale qu’Yvanez, leader et compositeur du groupe, exprime avec Fälk, est pleine d’images. Le morceau suivant pourrait en être une bonne synthèse. Baptisé « Silence », il évoque très clairement une atmosphère aquatique. Là encore, tout est dans l’expérimentation, et dès les premières notes de clavier on est plongé dans les abysses. Un sonar, des cymbales qui moussent, la descente en apnée est douce et longue. On ressent quelque chose de sourd, non pas dans la sonorité cette fois mais dans l’expression. Mickaël Pernet, saxophoniste survolté, prend alors un chorus éloquent, en adéquation parfaite avec cette esthétique sous-marine, et lui insuffle la juste dose d’oxygène vital qui lui manquait.

Les morceaux se suivent et ne se ressemblent pas. On est bientôt dans la sphère du rock progressif, où la caisse claire jouée au pad est ornée d’une réverb énorme et où les nappes de claviers et les arpèges de guitare s’épaississent. Après un solo de piano déjanté dans lequel Rémi Ploton s’amuse à tordre l’harmonie en tous sens tout en mélangeant les claviers et leurs timbres, le thème revient, porté par le saxophone et la guitare, ramenant le calme. L’écriture s’affine, de plus en plus subtile, et se meut en un contrepoint presque lyrique, jusqu’à ce que l’électronique reprenne le dessus subrepticement, snare et sirène.

Dans « Night », toujours aussi cinématographique, on accède à un nouveau monde dans un film d’heroic fantasy. Le solo de sax suscite une fois de plus l’ébahissement général, sur quoi Fälk tire sa révérence. Fin du suspense…

P.S. Voir la vidéo du concert.