Chronique

Flo Stoffner

Norman

Flo Stoffner (g, elec, fx)

Label / Distribution : Veto Records

A presque quarante ans, le guitariste zurichois Flo Stoffner a déjà eu le temps d’écumer les scènes et de multiplier les rencontres sur la scène européenne, notamment au festival de Györ, en Hongrie. Membre du Manuel Mengis Gruppe 6, on le trouve également aux côtés de Nils Peter Molvaer ou encore de Daniel Humair dans la formation suisse « La Suite », avec la trompettiste Hilaria Kramer. Animateur du label Veto Records de Christoph Erb, on l’avait remarqué au sein du quartet Lila où ses trames électriques profondes apportaient beaucoup au climat général de l’album.

Avec Norman, Stoffner propose sur Veto son deuxième solo après …And Sorry (2011). L’occasion d’explorer un peu plus les confins de sa guitare, où les effets de pédales et les artefacts électroniques sont autant d’anfractuosités qui rythment de longues plaines bruitistes tel « Swamp », un effleurement de cordes qui se répète, s’inverse et s’enfle sans brusquerie au milieu d’un silence pesant. Dans ce brouillard où l’on peine à distinguer des formes et des points de repère, on se laisse gagner par une angoisse trouble qui pique la curiosité. On s’injecte parfois au plus profond de l’inconscient de Stoffner lorsque, dans un morceau comme cet « Abu Markub » frappeur aux allures de cri primal, chaque corde giflée claque à la façon d’un jet d’acide.

A l’instar d’Olivier Benoit ou de Julien Desprez, Stoffner domestique en solo les épanchements électriques de son instrument devenu véritable générateur de sons. L’approche est cependant moins explosive et plus ténébreuse. On peut y voir un prolongement des abstractions monochromes de Terje Rypdal. Dans le remarquable « Schabrackenfuchs », le Suisse dirige sa guitare vers un embryon de blues aux mouvements désordonnés, la conséquence d’un album où chaque morceau vient construire un golem inquiétant. Le Norman de Stoffner évoque le personnage hitchcockien de Psychose - une même instabilité habite cette musique intranquille. On l’aborde comme le célèbre film, épouvanté mais ravi de pénétrer les limites malsaines de la perception et toujours prêt à les franchir encore.