Chronique

Fred Hersch

Open Book

Fred Hersch (p)

Label / Distribution : Palmetto Records

A 62 ans passés, le pianiste américain Fred Hersch est une légende vivante. Plus de quarante ans de carrière. Une quarantaine d’albums, en leader et en sideman [1], une influence majeure sur toute une génération de pianistes (de Brad Mehldau à Jason Moran, pour aller vite), sans oublier le lumineux trio qu’il forme avec le contrebassiste John Hebert et le batteur Eric McPherson. Chacun de ses concerts est un événement et son aura est inégalée parmi la communauté des musiciens.

Autant dire qu’en se lançant dans son onzième (tout de même) album en solo, Fred Hersch n’avait rien à prouver, si ce n’est peut-être à lui même. « Cela fait plus de quarante ans que je joue du jazz. Aujourd’hui, je trouve que le meilleur état d’esprit que je peux avoir en m’installant à mon piano est : voyons voir ce qu’il va se passer. » confie-t-il dans les notes de pochette d’Open Book. Et il s’en passe de belles tout au long de cet album.

Ça commence par « The Orb », une composition douce et langoureuse qui nous rappelle que le pianiste est un grand mélodiste dans la veine d’un Bill Evans ou d’un Keith Jarrett. Suivent deux standards : une magistrale reprise espiègle et enlevée du « Whisper Not » de Benny Golson et un « Zingaro » d’Antonio Carlos Jobim, sensuel et capiteux.

Arrive alors la pierre angulaire de l’album, « Trough The Forest », longue déambulation sans filet enregistrée en concert, où Fred Hersch laisse vagabonder son esprit. L’auditeur est comme pris au piège au plus profond de l’intimité du pianiste, divaguant au beau milieu des fantômes qui peuplent son âme.

« Plainsong » est une autre composition du pianiste, dont le lyrisme à fleur de peau nous désarçonne, telle une chanson de Joni Mitchell, autre influence du pianiste.
Hersch poursuit son voyage avec un « Eronel » des familles [2] où il se montre plus rugueux et impétueux qu’à l’accoutumée. L’album se clôt sur une chanson de Billy Joel « And So It Goes », bluette sans grand relief, que Fred Hersch transforme en jolie romance sans paroles.

Dans cet Open Book, Fred Hersch se raconte peut-être comme jamais. Tout du long, on est captivé par la finesse et la limpidité de sa musique. Et on se dit que l’on a quand même beaucoup de chance d’être contemporain d’un tel musicien.

par Julien Aunos // Publié le 21 janvier 2018
P.-S. :

L’écoute de l’album est à compléter par la lecture de l’autobiographie de Fred Hersch Good Things Happen Slowly : A Life In and Out of Jazz qui vient de sortir (en anglais) aux éditions Crown Archetype.

[1Il a joué, entre autres, avec Joe Henderson, Charlie Haden, Art Farmer, Stan Getz, Bill Frisell, Julian Lage ou Gerry Hemingway.

[2Le pianiste a l’habitude de terminer ses concerts par une composition de Thelonious Monk.