Chronique

Frédéric Monino

All The Way

Frédéric Monino (b), Olivier-Roman Garcia (g), Thomas de Pourquery (as, ss), François Laizeau (dm). Invités : David Linx (voc), Olivier Ker Ourio (hca)

Label / Distribution : Pypeline

Cinq ans après Around Jaco, son précédent disque en leader, remarquable, le bassiste Frédéric Monino publie All The Way, nouvel album quasi exclusivement constitué de compositions personnelles. Si l’ombre tutélaire de Pastorius est toujours présente, naturellement évoquée par le son de la basse fretless, on est bien loin d’une simple relecture, si brillante soit-elle, de l’héritage musical du génial mentor. Monino parvient à magnifier l’utilisation de son instrument, valorisant le son feutré et étouffé des vibratos de la fretless sans abuser du glissando, piège souvent tendu par cet instrument exigeant une précision diabolique. De l’esprit de Pastorius, il garde essentiellement le sens du groove, l’accentuation des notes de transition ou encore le dynamisme des lignes de basse.

A ses côtés, ses compagnons de route semblent se laisser bien volontiers entraîner sur le terrain des sonorités intimistes. Les saxophones de Thomas de Pourquery sont étonnamment doux, la frappe de François Laizeau suggère plus qu’elle ne marque et la guitare acoustique à cordes nylon d’Olivier-Roman Garcia, qui rappelle parfois celle de Scofield sur Quiet, complète le timbre général du quartet. Invités sur deux morceaux, le chanteur David Linx et l’harmoniciste Olivier Ker-Ourio s’intègrent naturellement à cette atmosphère presque nocturne.

Les morceaux, qui dégagent quelque chose de naturel, d’évident - mais jamais simpliste -, sont embellis par des thèmes souvent recherchés, très ciselés, fréquemment exposés à l’unisson par la basse et l’un des autres membres du quartet. La diversité est également au rendez-vous : une valse chaloupée, quelques ballades, un clin d’oeil be bop à Ornette Coleman, une reprise d’« Evidence » (Monk) sous forme de tête-à-tête entre Monino et le fidèle Laizeau, prétexte à montrer la polyvalence de la basse jusque dans les block-chords

Si Frédéric Monino se contentait de compositions mineures, porté par l’irrésistible grain sonore de son quartet All The Way serait déjà digne d’intérêt. Il a au contraire l’intelligence d’utiliser cette texture non comme une finalité mais comme moyen de mettre en valeur la richesse de son écriture.