Chronique

Gabriele Pezzoli Trio

Viljandi

Gabriele Pezzoli (p), Taavo Remmel (b), Brian Quinn (dms)

Label / Distribution : Altrisuoni

Le piano répand ses arpèges en arabesques romantiques. Jouée à l’archet, la contrebasse chante avec une candeur mélancolique ; aux doigts, elle porte le trio avec ses lignes épurées mais solides. La batterie est tout en légèreté, réservant une place de choix aux cymbales et à leurs tintements délicats.

Certes, la musique du trio de Gabriele Pezzoli affiche une unité de ton qui peut dans un premier temps dérouter, voire nuire à l’implication de l’auditeur. Les tempos lents sont presque exclusifs et le fil narratif comme dilué par un jeu collectif qui ne s’autorise pas beaucoup d’écarts.

Pour autant, il est conseillé de consacrer du temps à Viljandi, dont le charme se révèle à mesure que l’on s’y immerge. La monochromie n’exclut pas les nuances, et le trio se montre très intéressant, justement, dans la maîtrise tranquille du flux d’idées. La musique se développe paisiblement mais évolue sans cesse, fût-ce imperceptiblement. Ses mouvements sont amenés en douceur, comme floutés par l’usage et l’entrecroisement de phrases courbes.

En l’absence de ruptures notables, la diversité et l’inventivité naissent en profondeur, en arrière-plan. Viljandi apparaît alors comme une suite de tableaux impressionnistes aux teintes pastel et aux contours indistincts. Il se dégage de cette approche discrète une incontestable beauté. Le titre d’un des sommets de l’album, « Faint Chill Of The Wind », décrit à merveille cet art de la demi-teinte - un songe musical dont tout effet clinquant aurait été banni.

C’est dans l’extrême lenteur que le jeu semble ici s’épanouir au mieux : écoutez la somme de petites intentions qui confère à « Canto-Part II » sa sensualité. Les raisons de s’enthousiasmer ne manquent pas, mais on ne peut s’empêcher de regretter que l’agencement des titres ne mette pas l’ensemble en relief. Niché à la fin du disque, « For Now, At Last » met en exergue la capacité du trio à jouer en rebond, par exemple : il aurait donc été préférable d’exploiter cette facette pour mieux mettre en valeur les pièces contemplatives, majoritaires, et superbement interprétées.