Chronique

Gérard Pansanel

Electrizzante

Antonello Salis (acc), Patrice Héral (dm, perc, sampling, voc), André Minvielle (voc, « electronics », perc), Lionel Suarez (acc, accordina), Gérard Pansanel (g, sampling)

Label / Distribution : Nord Sud / Coadex

Huitième album du guitariste, autoproclamé électro-jazz des suds, voici un enregistrement bouillonnant d’énergie et d’inventivité. Pour l’occasion Gérard Pansanel s’est entouré de son éternel complice Antonello Salis qui officie exclusivement à l’accordéon, ainsi que de Patrice Héral, autre partenaire habituel du guitariste et actuel percussionniste de l’ONJ de Franck Tortiller. En renfort, André Minvielle le vocalchimiste et un second accordéon, celui de Lionel Suarez. On l’aura compris : nord de la Loire s’abstenir !

La combinaison de ces cinq personnalités musicales prononcées fonctionne à merveille, en particulier grâce à une construction d’album particulièrement intelligente. De longs morceaux débridés souvent précédés d’une introduction succèdent habilement à de courts interludes plus apaisants, et cette alternance procure une atmosphère remarquable à l’ensemble du disque, subtil mélange de proximité, d’écriture de spontanéité.

Proximité car dans l’esprit, les introductions semblent avoir été enregistrées entre deux prises, mettant en avant l’essence du morceau à venir. Ainsi, il nous semble écouter la musique de l’intérieur, comme si l’on était accueilli au sein même de la bande des joyeux lascars. C’est flagrant sur le court « As auroras » : courte ballade agrémentée de bruits de vaguelettes ; ce morceau, qui suit un « Corridore di spaggia » au swing démoniaque, ressemble vraiment à un réveil dans l’aube tiède de l’été, sur une plage, après une nuit de fête…

L’écriture est également un élément essentiel du disque ; toutes les compositions (signées ou co-signées par Pansanel) séduisent par leurs mélodies. Elles s’immiscent à coup sûr dans l’esprit, que ce soit le thème acid-jazz de « Electrizzante », celui, plus proche du tango, de « Noches de Cadaquès », le thème be-bop de « Corridore di spaggia » ou enfin celui, irrésistiblement entraînant, de « Calypso » : toutes ces mélodies brillent par leur naturel, leur gaieté et leur élégance, et sont de parfaits révélateurs de l’enthousiasme des musiciens. Par ailleurs, les arrangements sont eux aussi à l’honneur, profitant au maximum des possibilités des instruments, et notamment des deux accordéons, qui procurent au disque une impressionnante assise harmonique.

Ajoutez à cela le scat et les onomatopées vagabondes d’André Minvielle, plus divers samples disséminés ça et là : le résultat semble déjà complet. Ce serait oublier le dernier étage, et non des moindres, de l’édifice : l’improvisation. Sans se mettre en avant, Gérard Pansanel n’est pas le dernier à s’exprimer avec virtuosité et brio, déambulant avec aisance parmi les nombreux styles musicaux de l’album et mettant en valeur les différentes sonorités de ses guitares, qu’elles soient électriques ou à cordes nylon. Mais, comme on dit dans le sud, côté improvisation Salis et Suarez ne laissent pas leur part aux collègues : la présence des deux accordéons permet à l’un de se charger de la partie harmonique en laissant le champ libre à l’autre pour se lancer dans de superbes envolées.

Au final, donc, la richesse de la composition, des improvisations, le plaisir de jouer manifeste et extrêmement communicatif font d’Electrizzante un album en tout point réussi, à découvrir absolument.