Chronique

Giuliani / Biondini / Pietropaoli / Rabbia

Cinema Italia

Rosario Giuliani (as, ss), Luciano Biondini (acc), Enzo Pietropaoli (b), Michele Rabbia (per, elec, dms)

Label / Distribution : Via Veneto Jazz

La musique a toujours été un élément crucial du cinéma italien. Elle a nourri un imaginaire et s’inscrit dans une tradition. De Nino Rota à Ennio Morricone, elle a suscité bien des vocations, au départ loin des canons hollywoodiens puis les influençant fortement. A ce titre, on peut dire que c’est un cas unique de folklore imaginaire devenu réalité, des racines reboutées dans un terreau assez jeune. C’est par ce biais qu’il faut envisager Cinema Italia, un album qui est plus qu’un hommage aux compositeurs italiens par quatre jazzmen qui ont depuis longtemps renversé les frontières de la péninsule. Avec Rosario Giuliani aux saxophones et Luciano Biondini à l’accordéon, se sont deux excellents mélodistes qui signent les arrangements. En témoigne « 8 ½ », hymne cinématographique s’il en est, qu’il explore avec une grande douceur et beaucoup d’inventivité. Les trésors déployés par Michele Rabbia aux percussions et à l’électronique sont aussi rigoureux que des mises en image.

On connaît Giuliani pour son lyrisme, qu’on a pu entendre en quintet, ou aux côtés de Pierre de Bethmann. Il se défausse de cette facette de son jeu, même si le son net de son alto (il joue également du soprano) est le pôle brillant d’un disque volontairement clair-obscur (« Bianco e nero », dont le saxophoniste est l’auteur). Le propos qu’il entretient avec Biondini tient du sentiment mêlé. Il y a un fort contraste mais pas d’opposition. Les soufflets se veulent plus graves quand Giuliani se veut léger, presque insouciant. Le tout est orchestré par la contrebasse d’Enzo Pietropaoli, aussi précise que les 24 images par seconde d’une pellicule.

Ainsi, lorsqu’il revisitent le thème pourtant largement rebattu de « C’era Una Volta Il West », la perspective de l’accordéoniste est de remettre cette musique dans sa dimension populaire. Cela devient une ballade qui s’identifie davantage à la luxuriance de la Ligurie qu’aux grands espaces américains. Mais Biondini - il l’avait prouvé dans le trop méconnu Il Cosmonauti Russi de Batista Lena - est certainement plus proche de Rota que de Morricone. C’est ainsi que dans « La Strada », il choisit de célébrer l’errance lumineuse des fêtes foraines itinérantes où la joie n’est jamais loin des larmes. La comédie à l’italienne dans toute sa splendeur, mise en musique avec beaucoup d’originalité.