Chronique

Gleizkrew

Volume 1.1

Philippe Gleizes (dm), Antonin Rayon (Hammond B3, Clavinet), Hugues Mayot (saxs, cls)

Label / Distribution : MadRecordz

Parmi les power trios - ou trio à saturations, comme il conviendrait plutôt de les appeler - qui secouent actuellement la scène parisienne via un jazz pétulant, Gleizkrew est un des plus intéressants, tant dans la recherche organique de la masse sonore que dans l’urgence livrée brute. La formation du batteur Philippe Gleizes, créée en 2007, est l’une des plus étoffée, ou en tout cas des plus abouties, aussi bien sur Volume 1.1 qu’en concert.

Gleizkrew, c’est avant tout la sensation compacte d’une musique fiévreuse, sans concessions, à l’état solide et physique, menée par trois musiciens complices dans l’évocation spontanée d’un jazz urbain, électrique et radical sous sa forme intransigeante, directe et impérieuse… Libre, en un mot.

La musique de Gleizkrew est un subtil équilibre - parfois à la limite - entre d’une part les structures fragiles de morceaux comme « Beam » [1] où le toucher très organique d’Antonin Rayon, ajouté aux lentes digressions métalliques du batteur, installe un atmosphère pesante, et d’autre part des exutoires impétueux assenant une musique puissante, presque féroce dans son expression collective et sa détermination - plus que tangible sur le long morceau pivot, « Sillon ».

Le trio se caractérise avant tout par la puissance du jeu de Gleizes, entre autres batteur du « Jus de Bocse » de Médéric Collignon. Ce cogneur généreux, dont la frappe d’airain ne sacrifie pas pour autant la finesse véhémente, qui n’a d’égale que sa propension à orienter une musique collective vers des débordements électriques et des chemins de traverse anfractueux.

Avec lui, deux musiciens à l’énergie radicale, le saxophoniste Hugues Mayot et le claviériste Antonin Rayon, que l’on a déjà pu voir ensemble dans le « Sens de la Marche » de Marc Ducret. Rayon, un des jeunes les plus en vue du moment [2], livre ici une prestation impressionnante, tenant çà et là le rôle de la basse avec une tension palpable ou balafrant les improvisations turbulentes de riffs caustiques qui portent à l’incandescence les entrechocs transcendés de ses comparses. Quant à Mayot, les heurts provoqués par les deux autres pointes du triangle dans la construction de ce jazz ardent, galvanisé par une vraie énergie rock, lui procurent une liberté désordonnée, bousculée par l’acuité du propos. Un trio à suivre absolument.

par Franpi Barriaux // Publié le 26 décembre 2009

[1Le jeu de mot avec le nom de famille du claviériste semble attesté…

[2Il fait notamment un passage remarqué dans un trio cousin de Gleizkrew, l’Umlaut d’Emmanuel Scarpa.