Chronique

Gorilla Mask

Iron Lung

Peter Van Huffel (as.), Roland Fidezius (b.), Rudi Fischerlehner (dms.).

Label / Distribution : Clean Feed

Si la musique est un dialogue, dans le cas de Gorilla Mask on se rapproche plus du débat passionné. Et réellement passionnant. Ces trois musiciens parlent fort, sans filtre, pour expurger tout ce qu’ils ont sur le cœur et qui semble devoir sortir à tout prix. On a l’impression d’assister à un combat de lutte (clandestine, pour durcir l’image), où les combattants s’agrippent l’un à l’autre et tournoient jusqu’à ce qu’ils s’écroulent au tapis. Et c’est jouissif. Tout commence avec « Hammerhead » : le titre décrit assez bien la tension qui s’exerce - trois minutes de martelage d’une précision absolue. Le tempo lourd et hypnotique de « Before I Die », et ses accents de reggae sauvage en font presque un hit, à condition d’avoir quelques affinités avec le chaos. « Crooked », par son absence de structure, élargit le spectre vers plus d’indéfinissable. On entend quelque chose de très proche de David S. Ware dans la voix du saxophone de Peter Van Huffel, ce qui est suffisamment rare pour être immédiatement perceptible. Mais la comparaison s’arrête là, les deux hommes n’empruntent pas les mêmes chemins linguistiques. La section rythmique offerte par Roland Fidezius et Rudi Fischerlehner est résolument rock, mais celui du garage, pas celui des stades.

Bien que le ton varie d’un morceau à l’autre, l’album entier est joué sur le fil du rasoir, avec le parti pris d’une tension extrême et de sérieuses contraintes rythmiques que s’infligent les trois musiciens. Le jazz alambiqué de « Steam Roller » confirme la difformité assumée du trio, et « Lullaby For A Dead Man » sonne comme une sorte d’hymne de troisième mi-temps, à laquelle on se félicite de ne pas participer. « Iron Lung », le titre éponyme, est gardé pour la fin - ou presque - avec son esthétique cinématographique, celle de Tarantino au minimum. Arrive un titre bonus, « Chained », qui achève de nous mettre KO, pour être sûr que le message est bien passé.

Gorilla Mask rentre dans le tas, décape les parois au passage et désacralise son art pour mieux nous le servir. Il est peu de disques qui nous donnent l’impression d’être si près du groupe, de le sentir jouer, tant l’impulsion est grande. Iron Lung est de ceux là, sans le moindre doute. La fessée était déculottée, et on en redemande tellement c’est bon.