Chronique

Grzegorz Karnas

Vanga

Grzegorz Karnas (voc), Miklós Lukács (cymbalum), Michał Jaros (b), Sebastian Frankiewicz (dms)

Label / Distribution : BMC Records

Le premier album du chanteur polonais Grzegorz Karnas pour le label Budapest Music Center, Audio Beads, avait permis la rencontre avec Miklós Lukács, virtuose du cymbalum. Pour Vanga, second témoignage de cette collaboration, la recette est la même hormis que cette fois, un trio de jeunes musiciens polonais se mesure au célèbre Hongrois. Cependant, il dénote un changement radical d’approche, laquelle se fait plus anguleuse. Aujourd’hui le violoncelle d’Adam Oleś cède la place à contrebasse sèche et agressive de Michał Jaros, jeune prodige de la scène polonaise qui devrait vite faire parler de lui dans toute l’Europe.

Il en résulte une musique où le timbre de la voix n’occupe plus la place centrale, occupée ici par une rythmique extrêmement efficace. Le batteur Sebastian Frankiewicz propose en effet un drumming à la fois fluide et puissant, merveilleusement accordé au jeu du contrebassiste. Il n’en relègue pas pour autant Karnas au rôle secondaire d’enlumineur, mais au contraire le pousse à jouer sur sa scansion parfaite. Ainsi, « The Ballad of Revenge » (enregistré, comme le reste de Vanga, en public à l’Opus Jazz Club de Budapest) construit un groove agrémenté par Karnas d’un scat acéré qui n’exclut pas une pointe d’humour. Dans ce contexte, le jeu de Lukács évolue également ; on est loin des prises de paroles impressionnistes qui se développaient jadis au fil de morceaux longs et parfois évanescents.

Car Vanga offre des formats plus courts où le cymbalum joue lui aussi de sa dimension rythmique. « Słoda », permet ainsi entre Jaros et Lukács un dialogue très volontaire pimenté par la voix de Karnas, toujours extraordinairement placée ; parfois, il laisse même les deux solistes en découdre dans ce qui est à n’en pas douter le sommet de l’album. Inspiré par les fulgurances mystiques de l’Ukrainienne Baba Vanga, sorte de Nostradamus moderne douée de « visions » suite à sa cécité accidentelle, ce disque dégage la même impression mystérieuse que les précédents. Le recours à un puissant écho sur la voix, destiné à lui conférer un aspect onirique, aurait pu être désastreux : il est remarquablement géré par cet authentique instrumentiste vocal, qui en joue avec beaucoup de malice (« Heal Me Out »). Voici l’album d’un chanteur qui n’étouffe pas la créativité de ses comparses, et profite même de l’espace qu’ils créent. Le résultat, direct et collectif, le rend très agréable.