Tribune

György Ligeti (1923-2006)


Le compositeur autrichien d’origine hongroise György Ligeti, figure majeure de la musique de la seconde moitié du XXe siècle, est décédé lundi 12 juin à Vienne.

Né le 28 mai 1923 à Dicsöszentmarton (aujourd’hui Tirnaveni), une petite ville de Transylvanie - région hongroise devenue roumaine en 1920 - György Ligeti avait commencé ses études musicales au conservatoire de Cluj, en Roumanie. Issu d’une famille de Juifs hongrois assimilés, il dû interrompre ses études pendant la seconde guerre mondiale en raison des lois antisémites. La quasi totalité de sa famille disparut en déportation. Après la guerre, il entra comme étudiant à la prestigieuse Académie Franz Liszt de Budapest. Ses oeuvres de jeunesse, au début des années 50, témoignent d’ailleurs de l’inspiration des deux grands représentants de l’école nationale hongroise du début du siècle : Bela Bartok et Zoltan Kodaly. En 1956, suite à la révolution avortée en Hongrie, il quitte le pays en franchissant à pied et de nuit la frontière autrichienne. Il s’installe alors à Vienne et obtient la nationalité autrichienne en 1967.

Ses sources d’inspiration, comme ses compositions, sont d’une extrême diversité : musique électro-acoustique, rythmes asymétriques des Balkans, musique pygmée, héritage bartokien, mais aussi la sculpture (Brancusi notamment), le cinéma (il avouait une grande passion pour les « mécanismes déréglés » des Temps Modernes de Chaplin) ou encore le jazz (il cite Monk et Bill Evans comme source d’inspiration de ses « Etudes » pour piano).

S’il a expérimenté les musiques électroniques lors de son arrivée à l’Ouest, au sein du célèbre triangle Darmstadt-Cologne-Paris, il aura surtout eu un impact décisif sur le cours de la musique contemporaine en transposant certaines techniques issues des musiques électroniques aux instruments acoustiques. En 1961, il inaugure ainsi le concept de « micro-tonalité », où un contrepoint extrêmement serré avec de petits intervalles et un grand nombre de lignes mélodiques n’est plus perçu dans ses détails mais comme une masse sonore mouvante. Dans le monde du jazz, Steve Coleman explore depuis quelques années des techniques de composition issues de cette invention de Ligeti.

Ainsi, s’il avoue volontiers l’influence de jazzmen, la réciproque est on ne peut plus vraie. En France, les musiciens issues de la Nébuleuse du Hask, a commencé par Benoît Delbecq, ont une dette immédiatement évidente envers les « Etudes ».

Sa disparition laisse malheureusement inachevé le troisième livre des « Etudes ».