Chronique

Hendrik Braeckman

’til now

Hendrik Braeckman (g), Piet Verbist (b), Jan de Haas (d), Bert Joris (tp), Kurt Van Herck (ts, ss)

Label / Distribution : De Werf

Après vingt années comme accompagnateur (notamment au sein d’Ancesthree ou aux côtés de Jan de Haas), le guitariste Hendrik Braeckman sort son premier album en leader. En voyant le personnel de ’til now, on devine que c’est un groupe de studio et non de scène, ce que Braeckman lui-même confirme dans une interview donnée au magazine flamand JazzMozaïek. Avec peu de temps pour répéter et enregistrer, le guitariste a voulu soigner au maximum les arrangements. Le résultat est inégal : il y a bien quelques morceaux très intéressants, mais la sauce ne prend pas toujours, les solistes ne s’investissent pas dans chaque morceau malgré les contextes souvent ingénieux imaginés par le leader.

Braeckman joue d’une guitare semi-acoustique qui crée une ambiguité (électrique ou acoustique ?) exploitée à fond dans les deux versions de Colours qui ouvrent et ferment l’album. Il y tente d’introduire mélodie, linéarité et structure dans un environnement harmonique complexe à la sonorité trouble, pour un résultat du plus bel effet. De plus, à l’opposé du jeu en lignes et en accords auquel les guitaristes de jazz nous ont habitués, Braeckman profite du côté acoustique de son instrument pour développer un jeu aux doigts d’inspiration classique.

La teneur de ’til now est bien transmise par sa pochette : tristesse, douceur, joie discrète, le guitariste joue sur les nuances et les constructions délicates. « Fluit » commence avec un thème élégiaque, énoncé par Kurt Van Herck et Bert Joris, soutenu seulement par la guitare, avant que la section rythmique ne se lance dans un accompagnement rubato tout aussi expressif que les répliques que se donnent le saxophoniste et le trompettiste. Ces dialogues entre cuivres et anches font partie des grandes joies de cet album.

Une atmosphère similaire apparaît dans « Nemo » et bénéficie en sus d’un beau solo de Joris, qui y apporte toute sa chaleur et son lyrisme. Entre ces deux morceaux s’intercale « Felix », une joyeuse excursion en trio qui sort du lot grâce au jeu en contrepoint du leader, à la surprenante variété de half-time que joue de Haas et aux mesures et temps ajoutés ici et là. « Karl » montre l’ambition de l’arrangeur : métrique 10/4, guitare seule, trio avec les souffleurs ou quintet au complet, solos séparés par de « fausses fins », tout y passe. Dans tout cela, Joris arrive à placer encore une superbe intervention au cours de laquelle il construit des lignes chantantes à partir de petits bruits déconnectés. Malheureusement, les morceaux restants ne sont pas à la hauteur de ceux mentionnés jusqu’ici.

« Nathalie » possède une jolie mélodie et une construction intéressante, mais le solo de Joris peine à démarrer et celui de Van Herck tourne à vide (la version enregistrée par Ancesthree met bien mieux en valeur la composition). C’est encore plus le cas de « Santa Margerita », du bop moderne sans distinction. « Indisch » et « Clara » sont l’occasion de touches exotiques, indienne et hispanique respectivement, sans grand intérêt. Peut-être sent-on là le manque d’expérience scénique du groupe. C’est dans un « Cecilia », joué en trio dans unbe ambiance plus légère, que Braeckman sauve un peu la seconde partie de l’album.