Chronique

Hildegard Lernt Fliegen

The Fundamental Rhythm of Unpolished Brains

Andreas Schaerer (voc, comp, dir, Human Beat Box), Matthias Wenger (as, ss), Benedikt Reising (bs, as), Andreas Tschopp (tb, tu), Marco Müller (b), Christoph Steiner (dms, marimba, machine à écrire)

Label / Distribution : Yellowbird

Une prochaine tournée dans l’Hexagone [1] contribuera certainement à accroître la renommée, de ce côté-ci des Alpes, d’Hildegard Lernt Fliegen. Avec The Fundamental Rhythm Of Unpolished Brains, son quatrième album, l’exubérant sextet suisse perpétue dans le sillage du charismatique Andreas Schaerer une fusion brûlante de jazz fébrile et d’humour grinçant aux allures de cabaret. Les cuivres n’ont jamais à choisir entre envolées free et déambulations fanfaronnes, et ces chemins entrecroisés permettent tous les détours. On avait laissé Hildegard à ses leçons de voltige en Russie, où l’orchestre avait enregistré son précédent live, Cinéma Hildegard. La suite de ses aventures a beau être toute neuve, on évolue en terrain familier.

La pochette, illustrée comme à l’accoutumée par Peter Bäder, perpétue un style très graphique qui décrit au mieux le monde luxuriant des chansons. Les rythmes du percussionniste Christoph Steiner confrontent à nouveau Kurt Weil et Zappa, et avec la même ardeur. Sur « Don Clemenza », le remarquable échange entre le chanteur et les marimbas de Steiner, qui remplacent avantageusement le glockenspiel, signe en effet une influence zappaïenne revendiquée mais plus que jamais évidente. Elle tient au personnage à l’ironie mordante campé dès « Seven Oaks » par Schaerer, dont la forte personnalité ne nuit pas à la poésie ambiante - elle est au contraire la clé de la parfaite cohésion du groupe.

Car si Schaerer est partout, passant d’une octave à l’autre, mimant la trompette de manière confondante ou démontrant son talent de Human Beat Box, les autres ne sont pas en reste. Ainsi, la solide structuration rythmique du saxophone baryton de Benedikt Reising, allié permanent de la basse lourde de Marco Müller, permet toutes les échappées belles. Tous en profitent : le tromboniste et tubiste Andreas Tschopp est la belle confirmation de ce disque. Il est l’artisan principal du groove étourdissant de « Sandwich With Language » et l’interlocuteur privilégié de Schaerer sur le très beau « Zeusler », certainement le sommet de ce disque. Celui-ci n’est pas seulement l’écrin d’un univers iconoclaste ; il sait aussi offrir des petites mécaniques harmoniques complexes. La pointure parfaite pour chausser tous les cerveaux non policés.

par Franpi Barriaux // Publié le 6 octobre 2014

[115/10/14 : Centre Culturel Suisse (Paris), 16/10/14 Le Grillen (Colmar), 17/10/14 Périscope (Lyon), 19/10/14 : Jazzèbre (Perpignan).