Chronique

Houle / Delbecq / Grdina / Loewen

Ghost Lights

Label / Distribution : Songlines

Ancien pensionnaire du Jazz Workshop de Banff, où il a rencontré Andy Milne ou Steve Argüelles, Benoît Delbecq a toujours su rester proche des musiciens canadiens. Avec Ghost Lights, ce n’est pas moins de trois d’entre eux qu’il croise, le temps d’un disque capté à Vancouver. On ne présente pas le clarinettiste François Houle ; cette figure de l’improvisation mondiale, qui aime aussi à rendre hommage à la musique contemporaine, est un familier de Delbecq. On se souvient notamment de son récent trio avec Joëlle Léandre au 14 rue Paul Fort à Paris, mais aussi du plus ancien Nancali, déjà sorti sur le label Songlines. Pour accompagner ces camarades qui fêtèrent peut-être ce jour là leurs vingt ans de collaboration, on découvre deux musiciens plus jeunes, eux aussi rompus à une certaine complicité. Le guitariste Gordon Grdina et le batteur Kenton Loewen ont notamment enregistré ensemble, en compagnie de Mark Helias, un remarqué No Difference. Ils ont par ailleurs avec Houle un trio constitué. Cette entente fait merveille dans le chaleureux « Soft Shadow » où la guitare et la clarinette semblent nourrir un même timbre qui recouvre les cymbales de Loewen comme le ferait une feuille d’or.

On est vite étonné et charmé du ton que prend ce quartet. A peine commence « Soro  », titre de François Houle, qu’on est emmené dans une musique aux sonorités africaines où le piano de Delbecq, assourdi par des objets, prend des faux airs de clavier à percussion boisé. La guitare de Grdina, expressive et très claire s’empare d’une tournerie qui rappelle l’Afrique de l’Ouest et le royaume mandingue. Ce n’est pas une couleur constante : l’orchestre s’échappe parfois dans des contrées déterritorialisées, comme sur « Gold Spheres  » qui joue sur de tout petits éclats, soyeux ou légèrement effilés.

Lorsque ces derniers se mettent à briller, c’est pour donner un aspect kaléidoscopique, le même que sur la pochette, à la fois resplendissant et fragile, comme des reflets dans une étendue d’eau. C’est tout le sujet de « Ghost Lights  » : une onde troublée par un mouvement insaisissable. Mais même dans ces morceaux composés collectivement et dans l’instant, on est parfois rattrapé par un tropisme africain qui fait penser de loin en loin au Trio Ivoire. Ainsi, les rythmiques complexes de la fin de « Gold Spheres  », mais aussi la guitare et les percussions de « Waraba  » [1] en toute fin d’album nous le suggèrent, comme quelque chose d’infusé et d’évanescent ; on y prend volontiers notre compte de canicule.

par Franpi Barriaux // Publié le 1er juillet 2018
P.-S. :

[1Waraba signifie Lion en Bambara.