Chronique

Hubert Dupont

Jasmin

Hubert Dupont (b), Naissam Jalal (fl), Denis Guivarc’h (as), Nelson Veras (g), Youssef Hbeisch (rig, bendir, darbouka, perc)

Label / Distribution : Ultrack

Il est tout à fait réjouissant de se dire que cette musique - et les musiciens qui la portent - va se faire voir et entendre en Finlande et peut-être dans les autres pays du nord de l’Europe en octobre et novembre 2014, si Charles Gil parvient à mettre en place le type de tournée dont il a le secret, ce dont nous ne doutons pas. Et ce n’est pas seulement pour opposer, même « dialectiquement », le nord et le sud, la mer Baltique et la Méditerranée, et autres fantasmes de ce genre. C’est seulement que dans le champ - après tout très prisé - de la musique « syncrétique », donnant signes et gages en tous sens, Hubert Dupont a choisi la voie difficile, celle de l’exigence musicale, qui consiste pour lui à ne rien renier de ses choix de toujours tout en parfumant la chose au jasmin. D’ailleurs non, ce n’est pas ça. Il ne s’agit pas de parfum, de couleur, d’un ingrédient qui viendrait s’ajouter à quelque chose qui lui serait extérieur. C’est d’un même mouvement qu’Hubert Dupont écrit cette musique qui reste dans la ligne de ce qu’elle a toujours été et qu’il retrouve « naturellement » les mélismes de la musique moyen-orientale. Ces rythmes décalés, ces rebondissements dont on ne saurait compter les mesures parce qu’on n’est pas musicien, nous les avons entendus souvent.

On retrouve donc avec plaisir les déboulés de Denis Guivarc’h, qui n’a pas son pareil pour alterner dans une même phrase le lent et le rapide, l’accélération et le quasi-arrêt sur image, le tout avec une sonorité délectable. Nelson Veras a très bien pris le virage de son jeune succès : il est ici dans une veine délicate, subtile, rebondissante. C’est que les rythmes concoctés par Hubert Dupont, de son fond de basse imperturbable et très évidemment pulsionnel, sont de nature à vous enthousiasmer, même dans leur complexité. Naissam Jalal, j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans un tout autre contexte (festival Jazz@caillou à Bordeaux, groupe Aérophone de Yoann Loustalot), est la grande révélation de cette année à la flûte. Quant parfum (mais voir plus haut sur cette question), Youssef Hbeisch (trio Joubran, mais aussi Aka Moon !) s’y entend à le distiller.

Voici donc une fleur en ce début d’automne. Une sorte d’écho à ce que jouait Shepp vers la fin des années 60, quand il rapportait d’Alger son Yasmina, A Black Woman. Lui non plus, pour le dire et le faire, n’avait rien changé de sa manière, tout en incorporant dans sa musique une altérité qui n’était rien d’autre, au fond, que son être même.