Chronique

Iety

Hope You Were Covered Up

Laura Schenk (p), Elio Amberg (ts, bcl), Amadeus Fries (dms)

Exemple d’un trio comme il en existe de nombreux dans la confédération helvétique, Iety propose pour son premier album une recherche d’équilibre qui tient parfois du funambulisme. « Hope You Were Covered Up », qui reprend le titre de l’album, en est une illustration : partagé entre le piano fort concertant de Laura Schenk, qu’on peut entendre également dans le joli quintet Hila Puntur, et le saxophone belliqueux d’Elio Amberg, la narration s’opère par ruptures successives dans un temps très court et sans sentiment de chaos. Piano et ténor s’entichent tout d’abord de la même tournerie avant de diverger franchement, juste retenus par le fil rythmique du disert batteur Amadeus Fries, qui joue depuis longtemps avec Amberg.

Pur produit du label Wide Ear Records, Iety est un orchestre qui se veut contemplatif mais n’en oublie par pour autant l’énergie. « Waterfall Glancing in a Morning Sunrise », étude fine des éléments et de leurs sons, ne cède pas une once au silence. Le piano caracole comme un torrent qui serpente en se jouant des rochers qui semblent s’entrechoquer sur les fûts de Fries. Il pourrait y avoir une certaine tension, mais elle s’efface au profit de la recherche de la simplicité, voire de l’état de nature. Avec ce matériau, le trio compose dans l’instant des tableaux sonores assez naturalistes où s’invite une brume parfois abstraite, notamment lorsque Amberg se saisit de sa clarinette basse (« 9433 »).

Iety est un anagramme de l’abominable homme des neiges. On pourrait penser qu’il se cache dans le pas lourd mais précis de « Kick Etüde », s’assurant d’une voie dégagée dans le feulement du soufflant. Il n’en est rien : si ses traces de pas tassent doucement la neige, on ne le voit jamais. Il est insaisissable, même dans le léger toucher de l’imperturbable pianiste qui donne ici plus qu’une leçon de calme : une remarquable rectitude. Peut-être manque-t-il juste, dans les moments plus sereins dominés par Schenk, une lame supplémentaire qui apporterait des germes de chaos (« Ophelia ») qui ferait tanguer la formation. Néanmoins, la stabilité recherchée dans ce montage précaire est parfaitement assurée. Il faut laisser le temps à cette jeune formation de développer des échanges prometteurs.

par Franpi Barriaux // Publié le 1er juillet 2018
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