Chronique

Irène Schweizer & Jürg Wickihalder

Spring

Irène Schweizer (p), Jürg Wickihalder (ss, ts)

Label / Distribution : Intakt Records

Habituée des duos, qu’elle multiplie depuis de nombreuses années, la pianiste suisse Irène Schweizer s’est illustrée il y a peu avec son alter ego le percussionniste Pierre Favre dans un mémorable Live in Zürich. Rencontre ancienne et complice entre ces musiciens au vécu semblable, affranchi des genres et des postures. La relation qui l’unit à Jürg Wickihalder est résolument autre, même si la complicité y est aussi forte - ne serait-ce que par la différence de génération. Rappelons que si Spring, sorti encore une fois sur le label Intakt, auquel les deux solistes sont fidèles, est leur première expérience à eux seuls, Schweizer est de longue date membre de l’European Quartet du saxophoniste.

On perçoit, à l’écoute du foisonnant « Rag », une approche commune, subtil mélange de bagage classique, de fascination pour le patrimoine du jazz des origines, et d’une volonté de s’inscrire dans la tradition des couples piano-saxophone. A fortiori lorsqu’il s’agit du soprano, qui renvoie ontologiquement à Steve Lacy. C’est peu de dire que Wickihalder assume son univers « lacyesque. » Cela se perçoit tout au long de l’album, mais peut-être avec plus d’acuité dans un morceau comme « 6243D », lorsqu’il joue à fleurets mouchetés avec le jeu percussif et plein de ruptures de Schweizer. Étudiant à Berkeley, il a côtoyé le maître, entre autres. Il peut en effet s’enorgueillir d’une impressionnante carte de visite, où se croisent des figures comme Barry Guy (il émarge dans son New Orchestra) ou Ulrich Gumpert. Outre Lacy, il partage avec sa comparse une relation intime avec la musique de Thelonious Monk, dont ils reprennent ici quelques morceaux.

« Trinkle Tinkle », notamment, est tout à fait remarquable par son approche impétueuse, dégagée de tout formalisme. On songe au duo Ulrich Gumpert / Silke Eberhard sur Peanuts and Vanities : les compositions semblent découler des standards revisités, sans pour autant en dépendre. Ici, de la chaleureuse rêverie « satiesque » de « Last Jump » à la pétulance tortueuse de « White », tout l’album est une brusque montée de sève colorant ce duo printanier, qui n’en restera certainement pas là.