Chronique

J. Dinesen/B. Street/J. Bro/N. Waits

One Kiss Too Many

Jakob Dinesen (ts), Ben Street (b), Jakob Bro (g), Nasheet Waits (dr)

Label / Distribution : Stunt Records

On connaît peu ici le saxophoniste ténor Jakob Dinesen et le guitariste Jakob Bro, tous deux danois. Et pour cause : il semble qu’artistiquement parlant, il aient le cœur plus américain qu’européen

One Kiss Too Many a été enregistré à Brooklyn, au studio Systems 2, et paraît chez Stunt Records, label danois. Ben Street et Nasheet Waits, qui accompagnent Dinesen et Bro, sont, eux, américains. L’échange international est réussi. D’ailleurs, Bro est coutumier des enregistrements avec Chris Cheek, Paul Motian, Bill Frisell, Mark Turner et Thomasz Stanko, et Dinesen enregistre avec Kurt Rosenwinkel et Simon Spang-Hanssen. Visiblement, leurs récentes collaborations à New York les inscrit dans la jeune scène qui, bon an mal an, réussit à y faire entendre sa musique malgré le formatage ambiant qu’imposent beaucoup de labels.

C’est ici de mainstream moderne qu’il s’agit, agrémenté d’un agréable zeste danois. Chacun a son toucher, imprégné d’influences devenues constitutives de son jeu. Par exemple, il serait très difficile de dire à quel saxophoniste fait penser Dinesen. On trouve dans son jeu la sérénité de Lee Konitz, la retenue de Mark Turner, la douceur de Barney Wilen (« Stardust ») et un phrasé impeccable. Le tout est irrésistible. Aucune esbroufe - Dinesen ne cherche pas à impressionner. Très investi et très à l’écoute de ses sidemen, il libère son jeu du superflu. Il en résulte une sensation de repos et de sérénité, délicieusement dérangée par, çà et là, de petites surprises…

Ben Street double le sax ou fait crier ses cordes pour en accompagner le son aigu (« Don’t Waste Your Time »), et Waits pousse son guitariste dans ses derniers retranchements. Sans parler de la fusion rythmique que représentent ces deux instrumentistes. Bref, le groupe est au service du projet de Dinesen et l’apport collectif est de haut niveau.

On compte cinq compositions de Dinesen ou Bro sur huit (trente-six minutes de musique) cinq pièces lentes dont trois belles ballades (par exemple « Slaraffenland »). « Don’t Waste Your Time », « Mismanager » et « Befri Stade/Liberate Christiana », up tempo, démontrent le groove renversant du groupe. On en reprendrait bien un neuvième (up tempo, tant qu’à faire). Non qu’on reste sur sa faim - mais c’est tellement bon…