Chronique

János Áved

Balance

János Áved (ts, ss, as), Márton Fenyvesi (g), Ákos Benkó (dms)

Label / Distribution : BMC Records

S’il y avait encore un doute sur le caractère durable de l’excellence du jazz et des musiques improvisées en Hongrie, qui ne serait pas que le fruit d’une exubérance consécutive à la chute du rideau de fer et à l’hybridation fantastique que cela a engendré, le trio de János Áved serait là pour le prouver. Le saxophoniste, qui tient par ailleurs l’un des pupitres du Modern Art Orchestra comme son ami Márton Fenyvesi, fait partie de cette génération de jeunes trentenaires qui chamboulent le paysage autour du Danube ; Une sorte de seconde vague après l’éclosion de Viktor Tóth ou de Mátyás Szandai. Le parcours est identique : dans les orchestres ou dans les classes de Mihály Borbély, installation à l’étranger… Et appropriation d’un registre personnel, produit de ces expériences.

Cela se ressent fortement dans un album où l’impression première de « Forgëteg » pousse à ranger l’orchestre dans la catégorie Power Trio : la frappe polyrythmique et lourde d’Ákos Benkó, qui sépare saxophone et guitare se partageant déjà les canaux, en est le symptôme. Mais tout ceci paraîtrait trop simple, et se délite au beau milieu du morceau lorsqu’Áved se met à prendre son temps et à chercher des atmosphères plus oniriques, voire complexes. Ainsi « Quincerot », où le ténor chargé de scories se frotte à une ligne aride tracée entre le guitariste et le batteur, permet de mieux cerner un propos très contemporain, influencé par Guillaume Orti, que le soufflant cite souvent en exemple.

Il en va de même pour Márton Fenyvesi, dont la carrière solo a déjà démontré la maturité, tout comme son émargement remarqué au Modern Art Orchestra, où il a eu le privilège de faire jouer sa musique. Le morceau « For Bro » est une référence directe à l’un de ses mentors, Jakob Bro, son professeur au Rytmisk Musikkonservatorium de Copenhague où il a, entre autres, fait ses classes [1]. On y retrouve ce jeu traînant, aux aguets, qui offre beaucoup de place à l’improvisation, d’autant que le batteur abandonne ses rythmiques impaires pour des digressions coloristes. C’est ici que se situe l’équilibre de la Balance : dans l’aspect égalitaire du trio, bien sûr, mais aussi dans cette capacité à alterner les climats sans rupture. La scène hongroise n’a pas fini de nous surprendre.

par Franpi Barriaux // Publié le 23 octobre 2016

[1Il est également passé par Paris en 2013.