Scènes

Jazz à Vienne 2011 - 1

Trente musiciens, danseurs, danseuses, artistes plasticiens et acteurs emmènent le public dans un Pays du Soleil Levant onirique et déjanté.


Mardi 28 juin - Shibusa Shirazu Orchestra

Avant que ne démarrent véritablement les festivités jazzistiques, Jazz à Vienne et le Rhino Jazz Festival ont offert à près de 7 000 invités un spectacle pour le moins désarçonnant, mais doté d’un solide fond jazz enrubanné d’un véritable délire visuel. Trente musiciens, danseurs, danseuses, artistes plasticiens et acteurs ont emmené le public dans un Pays du Soleil Levant onirique et déjanté.

Shibusa Shirazu Orchestra © Christophe Charpenel

Un dragon qui vole dans le ciel, des danseurs de Butoh dans des poses hiératiques, une golden girl à moitié nue, une autre agitant de gigantesques bananes, un artiste plasticien peignant un gigantesque tableau en live, une geisha bleue… Aucun doute, la soirée d’avant-première de Jazz à Vienne ne correspondait pas vraiment aux codes habituels du jazz ! Concert de jazz ? Performance d’art contemporain ? Gand cirque façon Jérôme Savary ? Tout cela mêlé, sans doute. Ne manquaient que les sumotori !

En collaboration avec le voisin d’à-côté, le Rhino (Saint-Chamond), Jazz à Vienne a donc programmé en avant-première du Festival, mardi 28 juin 2001, une troupe japonaise au nom difficilement prononçable et que l’on a rarement l’occasion d’apercevoir en France, Shibusa Shirazu Orchestra : trente allumés qui ont pris entièrement possession de la scène. Un choix nippon qui n’était pas anodin : en proposant au public un raz-de-marée de sensations, il s’agissait pour les deux co-producteurs de la soirée de rendre hommage aux victimes du tsunami. Un choix courageux, mais pas évident : une partie du public de cette soirée gratuite (sur invitation) est parti avant la fin de ce spectacle surprenant et fascinant à la fois.

Disons le tout net, ils ont eu tort. Il suffisait de s’extraire de temps à autre des délires visuels offerts pour ouïr de l’excellent jazz, l’orchestre étant doté de fortes individualités - comme on a pu s’en rendre compte lors de superbes chorus. Certes, ceux-ci étaient parfois gâchés par des finales en forme de chansons « guimauve », mais en somme, cela faisait aussi partie de ce spectacle à l’éclectisme parfaitement assumé entre kitsch et relents free jazz.
On pense à Frank Zappa à la grande époque, aura nippone et délire assumé en sus.

Devant le succès (en terme d’affluence du moins) de ce spectacle destiné principalement aux Viennois, Jean-Paul Boutellier, le programmateur de cette édition 2011, a décidé de pérenniser le concept. Il y aura donc un nouveau concert d’avant Festival lors de la prochaine édition. Sera-t-il aussi surprenant ?


- Mercredi 29 juin : Tom Jones

La première soirée de Jazz à Vienne, qui propose en tête d’affiche le chanteur britannique Tom Jones, ne fait pas le plein, loin s’en faut. A 70 ans, le Gallois assure néanmoins avec un spectacle de belle facture récapitulant le cheminement musical qui l’a mené du rock à la pop en passant par la soul ou la country, avec pour seule constante sa voix de ténor au timbre inimitable.

Désormais pour assurer le remplissage des 8 000 places du théâtre antique, la programmation de Jazz à Vienne doit proposer des artistes de variété entre les spectacles estampillés jazz.
Dommage, mais la loi économique est la plus forte. C’est le cas lors de la soirée d’ouverture de Jazz à Vienne qui voit arriver sur scène Tom Jones sous un flot de riffs de guitare après deux premières parties consacrée au pianiste cubain Harold Lopez Nussa, puis au crooner tendance guimauve Matt Dusk. Ce chanteur britannique qui a explosé dans les charts au cours des années 60 et 70 mais dont la carrière a connu des hauts et des bas malgré un retour triomphant à la fin des années 90, ne joue donc pas son rôle de locomotive. On peut s’en étonner car c’est la première fois qu’il arpente la scène du Théâtre antique. Sans doute a-t-il un peu trop disparu des écrans radars musicaux. Les gradins ne sont donc pas saturés, et l’espoir de lancer le festival sur une jauge pleine s’envole.

Malgré ses 70 ans, en bon professionnel, le Gallois assure. Costume gris, col roulé noir et barbe parfaitement taillée, il porte toujours beau. De sa voix de ténor intacte au timbre reconnaissable entre tous, il déroule cinquante années de carrière rock, soul, pop, voire country ou variété, hit après hit : « I Never Fall In Love », « Green Green Grass of Home », « You Can Leave Your Hat On », « Delilah » and so on… Avec quand même une petite incursion dans le jazzy : le standard « Saint James’ Infirmary », rendu célèbre par un certain Louis Amstrong. Tom Jones aime bien raconter sa vie, entrecoupant son spectacle de digressions plus ou moins longues qui cassent quelque peu le rythme. N’empêche : s’appuyant sur deux choristes et d’excellent musiciens, dont une belle section de cuivre, plus un guitariste au style alerte, il ravit un public acquis à sa cause.