Scènes

Jazz à Vienne 2012 (7) - 7 juillet

Independance Cha Cha et Afrique enchantée…


La « Soirée Afrique » de Jazz à Vienne 2012 a plus que tenu ses promesses en proposant, dans le sillage de Manu Dibango, de joyeux drilles venus de l’Afrique enchantée, et avec Oumou Sangaré une pléiade de talents - chanteurs, musiciens, beaux parleurs, ambianceurs - qui ont profité de l’amosphère détendue pour faire danser le Théâtre antique.

« L’Afrique est vaste. » Confidence de Manu Dibango, vieux de la vieille de Jazz à Vienne, actif cette fois en passeur et en historien mais aussi en agent musical et créateur d’ambiance.

À continent vaste, soirée fleuve. C’est donc plutôt une nuit africaine (presque une tradition du festival) qui s’est terminée - fort tard - sur un « Bal de l’Afrique enchantée » festif qui a largement séduit le public encore présent.

Mais pour démarrer, voici Béla Fleck et Oumou Sangaré. Etonnant tandem, pas tant pour la chanteuse malienne, élégante et couverte de bijoux, dont la chaude voix sait faire vivre des chansons puisées dans un large répertoire, mais pour Béla Fleck et son instrument, peu prisé par les temps qui courent : le banjo. Ce jeune quinquagénaire, qui a pourtant été l’un des incontournables de la scène inventive américaine, ne se consacre plus aujourd’hui, à ce qu’on dit, qu’à la musique africaine. Un cocktail étonnant et séduisant. Cette grande formation a d’ailleurs été plébiscité par un Théâtre enfin plein, prêt à danser sous les yeux des plus belles pointures du genre.

Pour Manu Dibango, la tâche était plus facile. Tout aussi élégant, il a beau être un peu comme chez lui ici, il n’aura de cesse de se mettre en retrait pour mieux pousser à l’avant-scène Passi (bon rythme), Oum (belle voix), Wayne Beckford et quelques autres, encadrés par de grands noms comme Cheick Tidiane Seck, prolixe aux claviers, et son big band.

Objectif : revenir sur Past Present Future, son dernier album, auquel tout ce beau monde a participé. Dire que le tout est cohérent serait exagéré. Le concert donne plutôt l’impression d’une pérégrination musicale sans véritable trame. De fait, le saxophoniste plaisante en évoquant, comme souvent, « avec quelques vieux compagnons un petit safari entre plusieurs couleurs ». Ce qui explique qu’à côté des reprises de l’album sorti en novembre dernier 2011 (dont « Oum Song », « Douala Memphis » et « Afreedom »), le maître de cérémonie s’est promené à travers un répertoire vaste et marqué par quelques « tubes », dont l’« Independance ChaCha » qu’on retrouvera plus tard, dans un autre contexte.

Bref, c’est riche, rythmé, un peu radio-crochet. Au passage, on découvre ou redécouvre des musiciens et choristes imperturbables, dont Patrick-Marie Magdelaine et sa guitare omniprésente ou Raymond Doumbé à la basse, qui fonde cette rythmique imposante. Mais l’exercice souffre d’un handicap : les incessantes ruptures de tempo, le maître s’échappant lui aussi de temps en temps, sans doute pour laisser la scène à l’invité. Frustrant !

Un podcast plus vrai que nature

Enfin, tout étant dit ou presque, se rajoute donc en finale le Bal de l’Afrique Enchantée, selon l’émission du même nom sur France Inter (dimanche à l’heure des bouchons). A l’évidence, on en compte beaucoup d’auditeurs dans le théâtre. Ils ne sont pas déçus. C’est loufoque, dansant, entreprenant, complice, un peu redondant parfois, décomplexé et surtout contagieux. On connaît les deux comparses radiophoniques, Vladimir Cagnolari et Soro Solo qui, à l’origine observateurs–découvreurs-présentateurs sont devenue partie prenante du spectacle avec la volonté de faire partager ce qui ressemble par-dessus tout à une manifestation de leur foi. 90 minutes durant, ils ne cesseront de mettre en avant les artistes venus en découdre sur scène. Au premier rang desquels, évidemment, Ballou Canta, somptueux costume, gapette enfoncée sur le crâne, Michel Pinheiro et tous ceux qui sont venus pour la circonstance, tel Abdoulaye Traoré, qui donne notamment un coup de main aux Jaloux Saboteurs et contribue à toutes ces musiques familières (dont, à nouveau, cet « Independance Chacha », qui n’a pas pris une ride) ou inédites. Pour les ambianceurs, l’objectif était plus qu’atteint…