Scènes

Jazz à Vienne : l’autre festival

Si le Théâtre antique rameute stars, public et médias, il n’est pas l’essentiel du festival. En parallèle prospère en effet « l’autre » Jazz à Vienne…


Si le Théâtre antique rameute stars, public et médias, il n’est pas l’essentiel du festival. En parallèle prospère en effet « l’autre » Jazz à Vienne : de midi à trois heures du matin, des dizaines de concerts, de rencontres ou de performances se tiennent à Cybèle, au Club de Minuit ou au Jazz Mix. Un festival-marathon souvent plus inventif, divers, disputé et - voyez-vous ça - totalement gratuit…

C’est la tradition (32 ans d’âge) : Jazz à Vienne se concentre au Théâtre antique : 8000 personnes rassemblées, des affiches inoubliables, dinosauriennes, des ambiances uniques et, bien sûr, ce que le jazz fait de mieux pour un prix contenu (amusez-vous à comparer les prix pour Tony Bennett à l’Olympia et le 13 juillet 2012 à Vienne). D’où l’attention portée par les médias à ces soirées qui démarrent à 20h30 pour finir vers minuit. M6 hier, Mezzo ou France Inter aujourd’hui. D’où aussi, pour l’auditeur moyen, la conviction que le festival se résume à ces deux ou trois spectacles.

Or, paradoxalement, au nombre d’heures de musique distillées pendant cette quinzaine, le Théâtre antique fait pâle figure à côté de l’« autre » Vienne, qu’on ne saurait résumer à un « off » peu encombrant : tout au long du festival, sur quatre scènes différentes et de façon quasi ininterrompue se succèdent chaque jour des dizaines de concerts. De midi à plus de trois heures du matin.

Une soixantaine de concerts au bas mot

Prenez par exemple ce samedi 30 juin 2012. Tout commence dans les Jardins de Cybèle, épicentre du festival. Un lieu unique mélangeant passé romain et présent jazz dans un cadre idyllique à flanc de colline. C’est là, à quelques dizaines de mètres du Théâtre antique, que prospèrent la scène de Cybèle, le Kiosque et, quelques marches et une terrasse de café plus loin, le Club de Minuit.

C’ets ainsi que samedi à midi pile Bubble Blues montera sur scène, suivi à 13h15 de l’Ecole de Musique de Chasse-sur-Rhône. Puis, à 16 heures et 17h30, ce sera au tour des deux premiers orchestres sélectionnés de lancer le Rezzo, nom du tremplin jazz organisé chaque année pendant le festival. A 19 heures, est attendu l’Art Session Big Band, suivi d’Orange Bud et de Noroïs à 21h45.

A peine le temps de souffler et il faudra tenter de trouver place au Club de Minuit où est attendu, vers 23h30, Olivier Truchot Organ Trio avec Rob Bonisolo. C’est d’ailleurs là que tout se complique puisque le Jazz Mix, qui fait la part belle aux musiques métissées, débute quant à lui aux alentours de minuit. Ce soir ce sera Sankofaz, escorté de Steve Williamson et Jason Yarde. Avec un peu de chance tout sera fini vers 3 heures du matin… Enfin, pour ne pas perdre le fil, vous aurez évité, entre-temps, tous les orchestres spontanés qui battent le pavé viennois et font monter la pression aux terrasses ou dans les arrières-salles de la ville. Pas banal non plus.

Tel sera donc le programme « off » de la seconde journée. Il en ira de même le lendemain, le surlendemain et les jours suivants. De fait, ce rythme restera à peu près le même jusqu’au 13 au soir/14 au matin, après les cafés-croissants servis le 14 juillet à l’aube. On comprend alors pourquoi certains festivaliers ne mettent presque jamais les pieds au Théâtre antique, préférant hanter du matin au soir ces scènes parallèles, gratuites et souvent inventives.

De belles surprises sur les scènes alternatives

Car cs dernières recèlent nombre de surprises. Cybèle attend, comme tous les ans, quelques-uns des meilleurs big bands du moment, venus aussi bien des Etats-Unis que de la Région Rhône-Alpes. Comparaison intéressante. D’un côté le Roosevelt Jazz Band, le Berkeley High School Jazz Band, lz Hamilton All Star Jazz Band, l’Art session Big Band ou encore le Stanford University Jazz Orchestra, qui recevra le renfort du trompettiste Jon Faddis. De l’autre, le Big Band de Villeurbanne, celui du conservatoire de Saint-Etienne, mais aussi le Big Band de l’Ardèche, celui de Roanne ou le Vienne Jazz Big Band. En cela aussi Cybèle est précieux : c’est là qu’est attendue la fine fleur du jazz lyonnais et rhône-alpin avec le trio EYM, les pianistes Camille Thouvenot, Bastien Brison et Rémi Collin en trio ou Robinson Khoury, plus diverses formations en tous genres. Enfin, c’est dans ces jardins qu’est organisé les vendredi, samedi et dimanche le concours Rezzo, toujours de haute tenue car réunissant quelques-unes des meilleures formations de l’Hexagone, sélectionnées dans le cadre du tremplin. A l’autre bout, tous les mardis, se tiendront (à 20h30) les « VandoJam » - ouvertes, nous dit-on, à tous ceux qui voudraient improviser : encadrées par Eric Prost, elles se dérouleront au Kiosque, autre petite scène circulaire de Cybèle.

D’Ambrose Akinmusire à Médéric Collignon

Le meilleur est-il pour la fin ? Tous les soirs (sauf le dimanche et le 13 juillet), se tiendra le Club de Minuit, à compter de 23h30. Pour l’occasion, le petit théâtre à l’italienne de la ville devient, par un tour de passe-passe, un quasi-club de jazz, surchauffé et presque toujours plein. La programmation est le plus souvent de grande qualité : c’est là qu’a un soir éclaté James Carter, ou que Michel Petrucciani a rejoint son père en sortant du Théâtre antique. Cette année, démarrage vendredi 29 juin avec Olivier Truchot en trio + Rob Bonisolo. Suivront l’European Jazz Trumpets, Gregory Porter, Gaby Moreno, Ari Hoenig Trio escorté de Tigran, Lars Danielsson, Dan Tepfer et Ben Wendel et Ambrose Akinmusire.

On voit bien la difficulté : à quelques pas se tient le JazzMix, installé sous un Magic Mirror, haut-lieu de la nuit viennoise ; le spectacle commence presque à la même heure, et retient aussi l’attention : de Médéric Collignon à Yom & The Wonder Rabbis qui invitent Mehdi Haddab en passant par Antoine Berjeaut escorté de Mike Ladd et Julien Lourau himself.

Autant de sets, de concerts en accès totalement libre : il n’y a guère que le Club de Minuit où mieux vaut prendre ses précautions, le petit théâtre et ses deux balcons étant très vite complets chaque soir. En ces temps de crise (dit-on), ce festival totalement gratuit pourrait bien se tailler un joli succès.