Scènes

Jazz sur son 31 : Yaron Herman solo

Les lumières de l’Automne Club accompagnent Yaron Herman vers son Steinway. Après de multiples péripéties liées à l’actualité, il est enfin arrivé au festival Jazz sur son 31, ce mercredi 20 octobre 2010 à Toulouse, pour jouer devant une salle comble


Les lumières de l’Automne Club accompagnent Yaron Herman vers son Steinway. Après de multiples péripéties liées à l’actualité, il est enfin arrivé au festival Jazz sur son 31, ce mercredi 20 octobre 2010 à Toulouse, pour jouer devant une salle comble. « Bonsoir, merci d’être venus, surtout que je n’y croyais plus : mon vol a été annulé cinq fois de suite ».

Cet été, il est venu à Marciac avec son trio, Tommy Crane à la batterie et Chris Tordini à la contrebasse, tous deux débarqués de New York ; un moment d’exception. Il revient à Toulouse après un passage éclair en 2005, où il avait été le seul invité jazz du festival “Piano aux Jacobins” à la Cité de l’Espace.

Timide coup d’œil au public après chaque morceau, il replace ses lunettes aux bordures noires. Improvisation ! Il fait corps avec son piano, debout, courbé, il danse, des sons de oud sortent de son instrument quand il en tapote les cordes. Il embarque le public dans son histoire, et le public tourbillonne. Chaque note est précision du sens et du dire, ne laissant aucun répit aux spectateurs. « Mon nouveau disque est en vente à l’entrée. Il sort demain, vous serez les premiers à l’avoir après ma mère. » Le public rit. Un rappel, deux, trois… Une jeune femme qui ne le connaissait vient le remercier en fin de spectacle pendant qu’il dédicace ses CD, tous vendus en quelques minutes. Elle est remuée, étonnée d’avoir vécu ce moment particulier… C’est que ce soir, l’Automne Club accueillait le dessus du panier…

Yaron Hermann © Emilie Lescale
http://www.emilielescale.com/

Mais qui est Yaron Herman ? Une enfance à Tel-Aviv, la “Colline du printemps”, cette ville qui ne dort jamais, dit-on, en référence à son dynamisme et à sa jeunesse débordante ; une bulle de tolérance dans ce Proche-Orient dont on ne connaît en Europe que l’aspect chaotique : « Les médias ne parlent que du négatif » dit-il. Yaron fut basketteur de haut niveau jusqu’à 16 ans, âge où – à la suite d’une blessure - il s’oriente, avec l’aide de ses proches, vers le piano. Et c’est la rencontre avec Opher Brayer, pédagogue contemporain qui l’entraîne vers un apprentissage atypique basé sur la philosophie, les mathématiques et la psychologie, « le but était de jouer avec des combinaisons, do, ré, mi se transforment en 1, 2, 3… de penser la musique de manière méthodique, comme les arts en général, d’ailleurs… On approche de l’infini, avec les mathématiques, une infinité de choix que l’on peut explorer. » A 19 ans, un saut vers Boston, à la Berklee School of Music (« On croit que c’est le savoir qui fait tout… [mais] c’est soi-même qu’il faut apprendre, à soi-même qu’on doit être fidèle… ») et le voilà reparti aussitôt vers Paris où il est installé. Le hasard, un avion retardé, une rencontre avec des jazzmen… il y est resté.

Un homme de l’instant, du présent, qui nourrit son art de tout ce qui qui l’entoure : « la vraie création doit venir d’un besoin en accord avec ma propre histoire ». Un travailleur doué du sens de l’effort, qu’il cultive et qui lui ouvre les portes du talent. Après un premier album sur le label Sketch du producteur Philippe Ghielmetti, son “découvreur”, Takes 2 To Know One, puis Muse et A Time for Everything chez Laborie Jazz, l’artiste est en tournée internationale avec son nouvel album, Follow the White Rabbit (ACT), clin d’oeil à Alice au pays des Merveilles bien sûr. Pourquoi Alice ? Parce que « Pour moi, l’enregistrement du disque a été une sorte de voyage plein de surprises, et qu’au fil des morceaux on traverse des univers variés tout en suivant un même fil narratif, et sans jamais perdre le goût de la découverte sonore. » Voilà pour la référence. De quels univers s’agit-il ? « Nirvana, Radiohead, la musique israélienne… [avec] une unité dans l’approche, car le jazz sublime la matière ; et c’est ça qui emmène les auditeurs dans ce voyage. » Une « merveille » en effet, que ce soit pour les néophytes ou les oreilles exercées.