Tribune

Jean Aussanaire (1961-2017)

Aussi discret qu’incontournable, le saxophoniste Jean Aussanaire, nous a quittés cette semaine.


Aussi discret qu’incontournable, le saxophoniste Jean Aussanaire, qui nous a quittés cette semaine, était l’une des figures de l’Association pour la Recherche d’un Folklore Imaginaire, avec laquelle il collaborait dans une dizaine d’orchestres. A l’instar de l’ARFI, prototype quadragénaire du mouvement de fond qui anime la scène francophone actuelle du jazz et des musiques improvisées, Aussanaire avait à cœur de faire passer la parole collective avant l’individualité. Raison supplémentaire pour honorer la mémoire de ce membre de la Marmite Infernale ou du quartet A l’Ouest, réunion des Lyonnais occidentaux.

Car c’est un fait, Jean Aussanaire était le plus ligérien des Arfiens. Né en 1961, c’est à Nantes puis à Tours qu’il arpente conservatoire et faculté (il enseignera également à Jazz à Tours pendant plus de 10 ans) pour étudier la musicologie et la clarinette avant de rejoindre les Etat-Unis où il aura Dave Liebman comme professeur, mais croisera également Steve Lacy ou Paul McCandless. Fasciné par les images, Aussanaire en parsèmera sa musique. Avec les couleurs avant tout, celles de la célèbre peinture de Pieter Brueghel, Le Triomphe de la Mort, dont la pulsion de vie est étrangement pleine d’espoir aujourd’hui. Un spectacle étonnant et poétique où les musiciens jouent derrière une toile qui examine l’œuvre. L’identité qui disparaît au profit du sujet. Une performance fort symbolique.

Jean Aussanaire © Franpi Barriaux

Également en noir et blanc, naturellement, avec les ciné-concerts chers à l’Arfi. Il sera notamment très impliqué dans Cinérir’Arfi qui habille les classiques muets du cinéma burlesque, de Laurel et Hardy à Charlot avec Jean Bolcato, Jean-Paul Autin et Christian Rollet. Chaplin est très présent dans sa musique. On signalera notamment The Immigrant, où l’on retrouve Eric Brochard ou Clément Gibert. Avec ces deux derniers, il enregistrait récemment Déraisonnables, accompagnant un documentaire sur le vin.

Jean Aussanaire Olivier Thémines

L’œnologie était une passion qui savait également inspirer sa musique. Avant de rejoindre le Workshop de Lyon en 2003 [1] en remplacement de Maurice Merle, Jean Aussanaire avait lancé l’aventure Jazz et Pinard en 1994, un apéro musico-dégustatif auprès de ses vieux compagnons Olivier Thémines et Guillaume Hazebrouck. Un parcours parsemé de joie, de chaleur et d’amitié : c’est l’un des musiciens francophones les plus attachants qui vient de nous quitter. A la vie, A la mort  ! La tristesse n’est sans doute pas ce qui accompagnera le mieux le souvenir de ce musicien amoureux des projets un peu fous qui s’étendaient des hommages à Carla Bley en compagnie de l’iMuzzic de Bruno Tocanne aux interprétations de « La Folia » avec l’Ensemble Aperto Libro, en passant par le théâtre musical foutraque de « Les Hommes… Maintenant ! » avec l’ARFI.