Chronique

Jean-François Bonnel & His Swinging Jazz Cats

With Thanks To Benny Carter

Jean-François Bonnel (as), François Laudet (dm), Chris Dawson (p), Charmin Michelle (voc)

Label / Distribution : Arbors Records

Trad ? Et alors ?
Jamais en reste d’une provocation, le saxophoniste aixois Jean-François Bonnel a convoqué des experts en swing pour un hommage à Benny Carter… sans contrebasse !
Ce choix esthétique est assumé : le pianiste Chris Dawson est un maître du stride, nanti d’une main gauche en béton, cependant qu’à la batterie François Laudet déploie un jeu orchestral avec des trésors de précision à la grosse caisse, au tom basse et à la cymbale ride notamment.
En outre, l’altiste somptueux qu’était Benny Carter avait lui-même fait le choix d’enregistrer sans bassiste à un moment de sa prolifique carrière (le livret d’accompagnement rédigé par l’un des biographes du musicien américain est particulièrement éclairant).
Pour compléter l’exigeante équipe, une chanteuse américaine a été engagée : Charmin Michelle, dont la voix envoûtante emporte l’adhésion. Les dialogues de cette dernière avec le saxophoniste pourraient rappeler le duo Billie Holiday/Lester Young, nonobstant le fait que ce dernier s’exprimait au ténor… mais l’esprit est bien là, même quand Bonnel s’exprime à la clarinette (avec la délectation du gourmand qu’il est) !
Le jeu au saxophone alto de celui qui récuse l’appellation de « maître aixois » [1] est empreint de dignité. Le doux balancement ternaire du swing se conjugue avec la pneuma, ce souffle spirituel provoquant un état cathartique chez l’auditeur.
On ne peut que le remercier de redonner vie aux voies d’un « middle-jazz » dont la domination bebop a malencontreusement effacé nombre de traces. Évanescence sensorielle, expression jubilatoire sur les anatoles (ces formules harmoniques mythiques) : ces propositions d’émancipation musicale creusent les sillons d’un jazz éternel.
Un disque exigeant et cool, qui casse bien des codes et se révèle paradoxalement subversif.

par Laurent Dussutour // Publié le 19 novembre 2017
P.-S. :

[1Alors qu’il a formé Cécile McLorin-Salvant - qui signe ici le graphisme de la jaquette - excusez du peu !… sans compter nombre de musiciens locaux promis à de belles carrières.