Chronique

Johnny Raducanu

Jazz Bestament

Johnny Raducanu (p)

Label / Distribution : Tescani Productions

Johnny Raducanu a eu une carrière intéressante à plus d’un titre. Il a commencé par l’accordéon « musette », puis étudié le piano classique, qu’il a abandonné pour la contrebasse tout en s’orientant résolument vers le jazz, avant de revenir au piano dans les années quatre-vingts… Et malgré son opposition au régime communiste, Raducanu restera fidèle à sa patrie, dont il n’est sorti qu’à de rares occasions. Même s’il a enregistré le premier disque de jazz roumain en 1966 - Jazz in Trio -, le pianiste n’a « que » douze disques à son actif, en plus de cinquante ans de carrière. Ce qui rend Jazz Bestament d’autant plus précieux.

Le titre de l’album est éloquent et traduit largement l’esprit du disque : Jazz parce que cette musique est sa vie ; Bestament parce que le vieux pianiste roumain souhaite léguer une trace indélébile de sa sensibilité musicale. Bien sûr, Jazz Bestament est nostalgique, mais davantage que des regrets et de la tristesse, l’album se fait plutôt le reflet de la tranquillité d’une âme qui a su trouver son bonheur dans les Carpates, le romantisme, Alexandra, Bach, Montparnasse, les ménétriers roumains, Tchékhov, les feuilles mortes et les forêts, Fats Waller, la rue Mouffetard, le blues…

Le pianiste affectionne les beaux thèmes, mélodieux et plutôt lents ; les développements, qui balancent tendrement, évoquent tantôt la musique romantique, tantôt les films muets, mais aussi, parfois, le début du XXè siècle. Raducanu maintient une tension rythmique en plaçant çà et là des mesures syncopées, des triolets, des contrepoints, des réponses main droite-main gauche… Il suggère le swing davantage qu’il ne le joue. Même s’il emploie beaucoup de « trucs » de pianiste pour accentuer les effets dramatiques de son jeu (pédales, ornementations, « chopinades », citations…), il le fait toujours avec subtilité.

Jazz Bestament est un album apaisant, réfléchi, sentimental, émouvant. Et pour conclure avec le pianiste, « Le monde actuel sent la merde, Paris pue moins qu’ailleurs ! » et Jazz Bestament diffuse un parfum langoureux et attachant…

par Bob Hatteau // Publié le 1er mai 2006
P.-S. :

Pour aller plus loin :

  • Lire son autobiographie : Singurtatea, Meseria Mea (Loneliness… My Job), Regent House Printing & Publishing, 2002.