Chronique

Karol Beffa Raphaël Imbert

Libres

Karol Beffa (p), Raphaël Imbert (saxes)

Label / Distribution : Jazz Village

Le rapprochement entre musique classique et jazz ne va pas toujours de soi. Des ratés mémorables jalonnent l’histoire de ces rencontres. Celle de Raphaël Imbert et Karol Beffa, elle, semble évidente. Entre le saxophoniste chercheur et auteur et le pianiste compositeur et pédagogue, une forte complicité s’est nouée au fil d’aventures communes, notamment en compagnie de l’ensemble Contraste [1].

Dans Libres, un seul credo : l’improvisation, comme moyen de créer mais aussi de briser les carcans stylistiques et intellectuels. Avec des cultures et des parcours différents, Beffa et Imbert se lancent dans une musique en perpétuelles recherche et évolution. Tout à la fois mélodique, onirique et impressionniste, leur dialogue est habité par l’échange et le partage. Point de rivalité ou de compétition, ils sont au service de leur musique.

Enregistré dans l’instant en l’église de Menet, l’album évoque des images, des humeurs, des sensations. A l’écoute de certains morceaux, on s’imagine parfois à bord d’un train Corail traversant la campagne ; le nez à la vitre, on contemple le paysage en laissant divaguer son esprit. Les pièces sont conçues à partir de thèmes ou de motifs simples autour desquels les musiciens multiplient les variations. Sur « Puy Mary », ritournelle quasi enfantine jouée au piano par Karol Beffa, Imbert, volubile, digresse, tournoyant tel un insecte aveuglé par la lumière d’un réverbère. Mention spéciale aux titres « Créole », « Leipzig Counterpoint » (Bach es-tu là) ou « Tears », sur lesquels les deux hommes font feu de tout bois.

Raphaël Imbert poursuit ici ses recherches autour du mariage et du télescopage entre des musiques qui, a priori, n’étaient pas faites pour se rencontrer. [2] Il montre ainsi la porosité des langages musicaux, bien au-delà des chapelles et des querelles de clocher. N’en déplaise aux grincheux de tout poil.

par Julien Aunos // Publié le 28 septembre 2015

[1Cet ensemble dirigé par l’altiste Arnaud Thorette et le pianiste Johan Farjot a pour projet de mêler musique savante et musique populaire. Deux disques parus sur le label Naïve témoignent de cette collaboration, Songs en 2011 et Miroir(s) en 2013.

[2Recherches déjà à l’œuvre sur Bach Coltrane (2008, Zig-Zag Territoires) et Heavens : Amadeus and The Duke (2013, Jazz Village).