Chronique

Keiji Haino, Jozef Dumoulin, Teun Verbruggen

The Miracles Of Only One Thing

Keiji Haino (g, voix), Jozef Dumoulin (Fender Rhodes), Teun Verbruggen (dm)

Label / Distribution : Sub Rosa

Dans le cadre d’un voyage au Japon durant lequel le claviériste Jozef Dumoulin et le batteur Teun Verbruggen s’associent en duo ou trio à des personnalités nippones au cours de concerts impromptus, l’occasion est donnée de rencontrer le guitariste Keiji Haino. Mondialement connu pour sa maîtrise des extrêmes dans une approche radicale de la musique, Haino entraîne à sa suite les deux partenaires pour une séance en studio dont ce disque est en partie le témoignage.

En quatre pistes (deux sont également enregistrées sur scène), le trio déroule un flux sonore qui sature constamment l’espace. A partir de textures qui tiennent tout autant du mécanique que de l’organique, le Fender mutant de Dumoulin et sa série de pédales aux effets démultipliés, déploie des vagues de matières complexes qui entrent en fusion avec l’électricité cristalline de la guitare de Haino. Glaciers s’effondrant dans une mer froide, aciers de lames s’entrechoquant dans des combats épiques, insectes numériques grouillant dans les sous-sols de mégalopoles sordides, tout un univers cinématographique se réactive dans la carte-mémoire de l’auditeur.

Ces climats, particulièrement denses sans être inertes, s’appuient en retour sur la batterie de Verbruggen. A la fois coloriste et rythmicienne, elle est là pour les agiter de soubresauts constants. Force d’intranquillité, elle leur fournit l’énergie nécessaire pour se cabrer sans cesse et partir au grand galop vers l’inévitable. Car chaque système produit est mené à son terme avec obstination. Plutôt que de finir dans une impasse, les trois préfèrent, en effet, crever le plafond et gagner la sortie en s’échappant vers le haut. De l’usage du paroxysme comme épuisement de la forme.

Dans cet ordre d’idées d’ailleurs, la folie émancipatrice de Haino fait, comme toujours chez lui, recette. Boucles de guitare tendues comme un câble et hurlements sont les moyens de donner une nouvelle dimension à la douleur faite son. Pourtant au-delà de cette approche subjective, en authentique catalyseur, le guitariste permet d’atteindre des effets de vitesse d’une redoutable intensité.