Chronique

Keith Tippett Octet

The Nine Dances Of Patrick O’Gonogon

Keith Tippett (p, comp, arr), Fulvio Sigurta (tp/bugle), Sam Mayne (as, ss, cl, fl), James Gardiner-Bateman (as/fl), Kieran Mcleod (tb), Rob Harvey (tb), Tom McCredie (b), Peter Fairclough (dm/perc), Julie Tippetts (voice, lyrics).

Label / Distribution : Discus Music

Si Riccardo Bergerone n’avait pas mis une alerte sur FB concernant la santé de Keith Tippett (deux graves atteintes coup sur coup, pour le moment il est chez lui, en convalescence), nous n’aurions rien su, d’abord de ces faits, mais également de l’existence de ce disque, produit et diffusé depuis plus de deux ans. Car Riccardo ajoutait que pour aider le musicien dans cette mauvaise passe, il était bienvenu d’acheter ce CD, dont le bénéfice serait entièrement reversé au pianiste. Donc acte, et si le cœur vous en dit, allez sur le site et cliquez aux bons endroits.

Car c’est une œuvre exceptionnelle que vous découvrirez : exceptionnelle par sa dimension, sa construction, son orchestration et l’émotion qu’elle dégage, au point de remettre la galette en question dans le lecteur plusieurs fois dans la même journée. Pour aller vite, disons que le pianiste anglais renoue ici avec ses plus belles et grandes réussites des années 70, lorsqu’il produisait ces impérissables chefs-d’œuvre que sont You Are Here… And I Am There, ou Dedicated To You, But You Weren’t Listening, tous sur le fameux label Ogun, de même que le Septober Energy qu’il conduisit une fois au moins en public à Bordeaux (Festival Sigma), une folie produite par Robert Fripp, mais Keith Tippett était déjà son partenaire dans King Crimson… Le monde est petit, le monde est beau. Dans ces cas-là, bien sûr.

Aussi formidable improvisateur en solo qu’en trio (avec Julie Tippetts et Paul Dunmall), magnifique conducteur de grandes ou très grandes formations (avec Louis Moholo-Moholo, Pino Minafra et tant d’autres qu’il faudrait des pages), Keith Tippett sait admirablement faire sonner un orchestre, ici sur des thèmes empruntés au folklore irlandais, dans une manière qui évoque le Mingus de Black Saint And The Sinner Lady, par ses séries de danses et de groupes alternant ensembles, solos, échanges, parties entièrement écrites, parties libres. Et Julie Tippetts en final ou presque, puisque celui-ci est réservé à une sorte d’hymne dont Tippett a encore le secret, partagé avec ses amis d’Afrique du Sud. Là, ce sont les pleurs qui vous attendent. Et même si vous êtes prévenus.

Simplement ceci pour finir : en France, c’est l’Europa Jazz du Mans qui l’a invité le plus souvent (neuf fois !, avant la dixième l’an prochain pour les Quarantièmes rugissants). Et voici la liste (très incomplète) des musiciens avec qui il a travaillé, oeuvré : Robert Fripp, Trevor Watts, Elton Dean, Stan Tracey, Dudu Pukwana, Louis Moholo, Mike Osborne, Hugh Hopper, Peter Brötzmann, Paul Rogers. Alors, on traverse la Manche ou on reste en Normandie ?