Chronique

Kenny Barron/ Dave Holland

The Art of Conversation

Kenny Barron (p), Dave Holland (cb).

Label / Distribution : Impulse !

Vous cherchez toujours le meilleur disque de ballades au monde ? Ne cherchez plus, vous l’avez trouvé.

C’est comme si Kenny Barron était né pour jouer des ballades. De préférence en duo avec un contrebassiste. Aujourd’hui Dave Holland, hier Charlie Haden. Night and the City (1996) avait été enregistré live dans un club new-yorkais, l’Iridium, bruits de couverts et toussotements inclus. The Art of Conversation, lui, a été entièrement produit en studio en mars 2014.

On manque de superlatifs pour dire combien Kenny Barron est le plus extraordinaire interprète de ballades. Il est le pianiste qui vous réconcilie avec l’art de la ballade. Avec lui, la plus sucrée des mélodies évite la niaiserie. Son toucher est doux, mais jamais obséquieux. N’importe quel thème prend, sous sa main, la dimension de LA chanson romantique sur laquelle vous ferez votre déclaration de l’année, que ce soit un morceau monkien (« The Only One », composition de Barron) ou un thème de Charlie Parker (« Segment »), dont Dave Holland s’empare avec virtuosité. Évidemment, ce dernier n’est pas en reste, et quand il ne mime pas le saxophone, il est un contrebassiste inventif et un interlocuteur juste et incisif.

Kenny Barron et Dave Holland se connaissent bien ; ils ont enregistré ensemble il y a longtemps — pour la première fois en trio avec Daniel Humair sur Scratch, sorti en 1985 chez Enja — et, géants débonnaires, parcourent côte à côte les scènes du monde depuis deux ans. On ne dressera pas la liste de leurs collaborations : elle concerne à peu près tout ce que le jazz a produit de génies dans la deuxième moitié du XXe siècle. Leur aura les précède et, fait remarquable, pour ne pas dire rare, ils lui font honneur.

The Art of Conversation fait partie de ces disques qui concentrent hommage au passé et inscription affirmative dans le présent. Ils ont tout vu, tout entendu, tout joué, et maintenant, ils se racontent leur histoire intime, avec des clins d’œil aux compagnons de route — « Waltz for Wheeler » est dédiée à feu Kenny Wheeler — et des compositions en forme de confidences. Bref, de la grande musique.