Chronique

Kessler & Bachevalier

Catamaran

Label / Distribution : Cafarnal Tribu

Des voiles pour deux flotteurs et vogue le Catamaran ! C’est ce que proposent ces deux équipiers de vingt ans, le pianiste grand-mottois, Siegfried Kessler et le batteur percussionniste nîmois, Michel Bachevalier : des notes pour deux artistes et vogue la musique !

Inutile de présenter les deux matelots, fort connus de tous les amateurs. Si l’on excepte la dernière plage, extraite de la Cinquième Symphonie de Jean Sibelius, les sept autres morceaux sont l’œuvre du duo : « Kessler joue Bachevalier - Bachevalier joue Kessler » - dixit le sous-titre de l’album.

L’équipage Kessler/Bachevalier ne nous invite pas à une croisière de tout repos, mais plutôt à un Vendée Globe ! Car dès l’appareillage du Catamaran, la tension est là : batterie foisonnante sur fonds de strates sonores jouées au synthétiseur, tandis que le piano place quelques notes ça et là. Toujours aussi rythmique, « Piste glaciale » est heurtée et les grappes de notes se font plus rageuses. En fait de « Piste glaciale », ce sont davantage les grains du Golfe de Gascogne qu’affronte le navire.

Ensuite, les marins profitent des Açores pour remettre de l’ordre sur le pont : « L’horizon » est un morceau plus calme, dans lequel le synthétiseur distille un filet mystérieux pendant que le piano lâche ses clusters et que la batterie maintient un swing vigoureux.

Après cette accalmie relative, notre catamaran traverse le pot au noir et navigue au large des côtes de l’Afrique : ambiance vaudou des tambours de Bachevalier et atmosphère ésotérique du synthétiseur de Kessler, renforcée par les séries du piano, qui vire au clavecin.

Une fois le Cap de Bonne Espérance franchi, c’est le grand sud. « Swing Speed » va comme un gant aux grands surfs de l’Indien et du Pacifique : roulements rapides de la batterie, vrombissements du synthétiseur et piano en équilibre sur les vagues. Mais, déjà, voilà le Cap Horn qui se profile et qui marque la remontée rapide de l’Atlantique vers le bercail. Après la grandiloquence qui sied au cap mythique, « A l’abordage » cingle toutes voiles dehors…

Enfin la terre ! On fête les retrouvailles ; certes l’atmosphère est gaie, mais les marins ont du vague à l’âme : pas si facile de se réadapter à la compagnie après tant de jours de solitude. « Une soirée chez Philippe… » commence par des rires lointains, se poursuit par un blues esquissé, puis par un « Beau Danube bleu » distordu par un Kessler encore tout groggy, et éclate enfin sur les rythmes de Bachevalier : la musique et la danse pour s’oublier !

Catamaran navigue dans les eaux de « la musique contemporaine » pour la symbiose entre matière sonore et rythme et l’approche déstructurée de la mélodie [1], mais le jeu de la batterie, très acoustique, naturel et swinguant, permet à la musique de Kessler & Bachevalier de garder un cap que tout le monde peut maintenir… ou rêver d’atteindre.

par Bob Hatteau // Publié le 22 mai 2006
P.-S. :

Voir aussi

[1Merci à Marc Szuszkin pour la justesse de son jugement.