Chronique

Kouyaté - Neerman

Skyscrapers and Deities

Lansiné Kouyaté (balafon), David Neerman (vibraphone), Antoine Simoni (cb), David Aknin (dr)

Label / Distribution : No Format !

L’un vient du Mali, l’autre est français. Le premier est un maître du balafon, le second un défricheur du vibraphone. Lansiné Kouyaté et David Neerman se sont rencontrés il y a une dizaine d’années et ne se quitteront pas avant d’avoir découvert tous les secrets de l’autre — il leur faudra probablement plus d’une vie. Engagé à dix ans dans l’Orchestre National du Mali, Kouyaté a travaillé aussi bien avec de grands noms de la musique d’Afrique de l’Ouest - Baaba Mal, Mory Kanté - que Jean-Jacques Avenel, Hank Jones ou Dee Dee Bridgewater.
Comme lui, Neerman touche à tous les univers : présent sur les premiers albums de Youn Sun Nah, il apparaît aussi dans le grand ensemble United Colors of Sodom du bassiste Jean-Philippe Morel, ou au sein du collectif de jazz contemporain Slang (Chief Inspector). Tout de suite la sauce prend. Le duo sort tout juste son deuxième album. C’est le grand écart : du premier disque on retient l’exploration de la musique mandingue, les batailles de percussions et la formation (en plus du balafon et du vibraphone, une contrebasse et une batterie). Une pincée de dub, quelques ingrédients électro et toutes sortes d’expérimentations sonores en plus, et Skyscrapers and Deities est né.

« Grattes-ciels et divinités » : quels sont ces dieux avec qui les hommes cherchent à rivaliser en creusant le ciel ? Chez Kouyaté et Neerman, ils dépassent et détruisent les frontières : monothéistes, païens, tout le monde y passe, à l’image du nom de la maison de disque qu’ils se sont choisie : No Format. Pas question de s’embarrasser de définitions : d’abord on joue, ensuite on verra. Par exemple le 27 octobre 2011 au Café de la Danse (Paris) ou le 12 janvier 2012 à la Dynamo (Pantin), en duo cette fois. C’est qu’ils aiment bien varier les configurations, les « maestros », comme ils s’appellent l’un l’autre : ils étaient 9, 7, puis 2, maintenant ils sont 4. Antoine Simoni à la contrebasse et David Aknin (DPZ) à la batterie portent les joutes des deux chevaliers. Sur « Diétou », le joueur de kora Ballaké Sissoko transforme le groupe en trio, lequel tresse un entrelacs à la fois percussif et mélodique, sans que l’on puisse démêler les nœuds. Et à quoi bon, puisque c’est précisément ce bouillon de culture musicale qui donne son suc à l’ensemble ? Un peu plus loin, le spoken word fait son apparition à travers la voix du musicien et poète Anthony Joseph, magnifique de simplicité.

Ces « griots de l’espace » tapent et chantent en même temps. Magie du balafon et du vibraphone, instruments à la fois si proches et si lointains. Kouyaté et Neerman ont fait le pari de les confronter, funambules sur le fil des genres. Ils créent leur propre chemin entre l’ultra-modernité des gratte-ciels et la tradition symbolisée par les dieux. Voici que les sons du balafon sonnent comme autant de pas sur un escalier qui monte, monte, monte… Au dernier morceau, « Djely », autre nom pour « griot », l’ascension est terminée. Nous voici arrivés au ciel.