Chronique

Kronos Quartet

Music in Central Asia (9)

Kronos Quartet with Alim & Fargana Qasimov and Homayun Sakhi

Pour la septième fois en trois jours j’écoute le nouveau CD du Kronos Quartet enregistré en compagnie de musiciens afghans et azéris.

L’album, financé par The Aga Khan Music Initiative in Central Asia, est accompagné d’un DVD, sorte de making of et de catalogue pour la collection Music in Central Asia réunissant huit autres références qui me font envie.

Rainbow, un de leurs meilleurs depuis longtemps, propose une pièce d’une demi-heure du compositeur Homayun Sakhi et cinq mélodies d’Azerbaïdjan arrangées par Alim Qasimov. La première est censée réfléchir la multitude de communautés afghanes avec les parties du Kronos arrangées par un habitué du quatuor, Stephen Prutsman, et la participation du compositeur lui-même au rubab, luth aux cordes sympathiques, Salar Nader au tabla, Abbos Kosimov au doyra et qayraq, d’autres percussions. Les morceaux suivants sont arrangés pour le Kronos par Jacob Garchik avec l’ensemble de Qasimov qui chante avec sa compagne, Fargana Qasimova, accompagnés de Rafael Asgarov au balaban, sorte de hautbois, Rauf Islamov au kamancha et Ali Asgar Mammadov au tar, deux instruments à cordes, Vugar Sharifzadeh au naghara, un tambour. Tous ces instruments sont présentés en images, textes et extraits sonores sur le DVD et sur le livret de 44 pages.

Le Kronos Quartet
décrit un arc-en-ciel
en Asie Centrale

Pour ces deux rencontres, les arrangeurs ont dû trouver un moyen de figer les improvisations des Azéris et d’interpréter les enregistrements de l’Afghan pour que le Kronos puisse s’y fondre. Les musiciens traditionnels se mêlent merveilleusement aux partitions écrites du quatuor américain, parfois tenté par un jeu plus ouvert. Le résultat, d’une incroyable unité, nous entraîne dans des contrées que l’on souhaiterait libérées de la colonisation déguisée des profiteurs belliqueux. Le changement de repères nous fait chavirer (un peu comme dans le film Les saisons de Pelechian avec les hommes dévalant les pentes entraînés par les immenses meules qu’ils tirent derrière eux ou faisant traverser leurs moutons à gué et à cheval au milieu des flots bouillonnants). À l’art du montage cinématographique de l’Arménien j’oppose la fluidité et l’évidence de la musique, deux formes d’art que je tente de réunir dans mon propre travail. En me fixant des modèles inaccessibles, je peux me laisser inspirer sans risquer de les suivre !

Sur le site de l’éditeur (Smithsonian Folkways), on peut avoir un avant-goût de chacun des neuf doubles albums en regardant gratuitement les making of mis en ligne [1]. Tandis que je rédige ces notes, je ne peux m’empêcher de commander ceux d’Homayu Sakhi, des Qasimov et les rencontres sur les traces de Babur, trois volumes de la collection. Ces musiques m’insufflent une énergie hors du commun telle que les musiques traditionnelles savent transmettre, du jazz le plus hirsute au tango intello de Piazzolla, des tambours africains aux rythmes tziganes des parias reconduits à la frontière par une bande de bandits incultes.

Si vous préférez le Kronos Quartet et que vous voulez les soutenir ou vous faire un petit plaisir, sur la page "Give de leur site vous pouvez vous faire une idée de ce qu’il vous en coûtera, donations pures ou jusqu’à $149 des enregistrements inédits, jusqu’à $499 le CD avec autographe, $2499 pour assister à un concert privé, $4999 pour une répétition, 9999$ pour un dîner, $24999 pour David Harrington en DJ chez vous, $49999 avec concert du quatuor… C’est donné ? Je traduis peut-être mal le « Give » du titre…

par Jean-Jacques Birgé // Publié le 1er septembre 2010
P.-S. :

Le Kronos Quartet : David Harrington, John Sherba (vl), Hank Dutt (viola), Jeffrey Zeigler (cello)

[1Ainsi qu’en écoutant les morceaux ou en les téléchargeant pour $9.90.