Chronique

[LIVRE] Collectif

Les 13 morts d’Albert Ayler

Novembre 1970, il fait froid dans l’East River où l’on repêche le corps d’Albert Ayler. Mais, comme l’écrit Michel Contat dans la préface, « la mort d’un jazzman noir n’appelle pas tant de précautions », donc il n’y aura pas d’enquête. Alors, meurtre ou suicide ?

« Treize versions fictives, voilà ce que vous allez lire sur cette mort », car, en collaboration avec l’association Jazz et Polar, Michel Contat a demandé à des écrivains d’imaginer la fin du saxophoniste. Finalement ils seront quatorze à se prêter au jeu, pour la plupart bien connus dans le monde de la littérature policière.

L’idée de base est séduisante et, dans l’ensemble, sa réalisation plutôt amusante. On pourra lire ainsi une nouvelle loufoque de Thierry JonquetAdolphe Sax, au Purgatoire avec Beethoven, Bird, Coltrane… enrage face à l’hécatombe qui frappe les saxophonistes et convainc saint Pierre que la mort d’Albert Ayler doit être la dernière… Toujours dans le genre comique, Jean-Bernard Pouy décrit dans un franglais méridional particulièrement vivant une improbable virée en Italie, pour aller voir le « Tinetorette », avant les célèbres concerts à la fondation Maeght en juillet 1970. Jerome Charyn, lui, est parti sur la haine d’un saxophoniste raté pour le génie d’Albert Ayler qui « était vraiment intouchable, vivant sous l’eau avec son saxophone pendant que ses notes venaient éclore à la surface ». Dans un style vif, Bernard Meyet livre une nouvelle acidulée particulièrement savoureuse, « (son premier texte publié) sur un musicien dont il n’a strictement jamais rien eu à foutre »… Hervé Prudon, Michael Guinzburg, Patrick Bard, et Max Genève ont opté avec plus ou moins de bonheur pour des scénarios sur fond de démêlés amoureux. Jon A. Jackson, Jean-Claude Charles et Gilles Anquetil se penchent sur l’incompréhension qui entoura ce saxophoniste pour qui « La musique est la plus divine des prières » (Gilles Anquetil). Avec celle de Bernard Meyet, les nouvelles d’Yves Buin et de Jean-Claude Izzo ont gardé un esprit « réaliste policier ». Enfin, Michel Le Bris plonge la mort du musicien dans un imbroglio socio-politico-musico-famillial un peu confus, et qui fait abondamment référence à des entretiens avec Don Ayler et Sunny Murray.

Même si ce recueil s’avère trop inégal pour bouleverser le genre, il est toujours intéressant de lire des fictions qui ont trait au jazz, surtout quand leur point de départ reste un mystère…

par Bob Hatteau // Publié le 20 décembre 2004
P.-S. :

Série Noire n° 2442- NRF - Gallimard - 285 pages - Prix indicatif : 8 €