Chronique

La Friture moderne

Pour en finir avec 69

Walter Barbera, Piero Pépin (tp, voc) ; Ruben Guiu (tb, voc) ; Marc Démereau (as, samples, voc, arr.) ; Olivier Seywert (ts, voc) ; Benoît Cazamayou (acc, voc) ; Mathieu Sourisseau (soubass., voc) ; Fabien Duscombs (c. claire, voc) ; Pascal Portejoie (grosse caisse, voc)

La Friture redescend dans la rue. Après quelques années à arpenter les scènes, les envies de goudron la reprennent. Comme un air de printemps dans les jambes. Pour en finir avec 69 n’est donc pas un album destiné à tourner en rond éternellement sur votre platine mais… un spectacle ambulatoire. Presque une manif, en fait. A quelques détails près.

Détail de taille : cette manif-là est circulaire, argentée en-dessous - comme un CD, tiens -, dotée d’une pochette et d’un livret. Dessins de Benoît Guillaume, comme arrachés au papier et à l’encre dans un combat acharné. On y retrouve à de nombreux exemplaires l’instrument favori de la Friture : le « gueulophone », ce petit mégaphone responsable de la distorsion et de la saturation des voix et des instruments, bref, de ce son délibérément « crade » qui leur va si bien. Au centre du livret, on reconnaît Frank Zappa, Jimi Hendrix, Brigitte Fontaine, Janis Joplin, des femmes nues…

Car tel est le programme. Pour en finir avec 69 est une plongée en eaux profondes dans les tubes les moins consensuels - et les plus représentatifs - de la dernière année des sixties. [1] C’est donc parti pour une visite pas guidée du tout où s’entremêlent des extraits de journaux radio de mai 68, un titre des Pink Floyd, le discours du Che à l’ONU en décembre 64, où l’on reconnaît un texte de Léo Ferré sur un Jimi Hendrix qui fait ses cuivres, où la « Mercedes Benz » de Janis Joplin est transposée en français, comme « The Creator Has A Masterplan », où la « Valse de Melody » (Nelson) de Gainsbourg et Vannier tourne de travers, de cuivres en anches, où Carla Bley introduit Zappa et Albert Marcœur, où la « Star Spangled Banner » devient l’« Internationale », où « Comme à la radio » s’escorte d’un soubassophone [2].

Comme à la radio : comme sur ces radios d’avant les zappettes, d’avant la FM, où l’on tournait la molette sur la bande des Ondes Courtes pour se construire un opéra instantané à coups de hachures de sons. Opéra-fanfare, poème symphonique à la mémoire d’une année flamboyante, manif pacifique et coléreuse, happening inter-artistique, Pour en finir avec 69 est un peu tout ça. Et c’est aussi, tout de même, un disque. À écouter en attendant d’aller les voir en vrai, sur le goudron des rues.

par Diane Gastellu // Publié le 13 juin 2011

[1« Juste on se rappelle une dernière fois et après, on arrête, c’est promis. »

[2On se rappelle qu’à l’origine, Brigitte Fontaine était accompagnée par Areski Belkacem, Wadada Leo Smith et l’Art Ensemble Of Chicago.