Tribune

La Jazz Hotte 2016

Joie de recevoir et plaisir d’offrir, la traditionnelle sélection de cadeaux jazz pour la femme moderne et l’homme d’intérieur.


Ah, les amis, quelle chance. Nous sommes déjà en décembre, il faut impérativement dépenser plein d’argent pour faire des cadeaux et ainsi perpétuer une tradition millénaire qui remonte à… peu importe, c’est la fête, voici de quoi réjouir les amateur.e.s de jazz.

Tout d’abord, bien entendu, qui dit Noël dit coffret. Les fameux « coffrets de Noël », les XmasBox comme on dit. Cette année, l’esthétique est particulièrement libre, américaine et à la limite de l’engagement politique. Attention, on dirait une contre-offensive suite à l’élection du raciste Trump.
On commence par l’essentiel, l’album RSF pour la liberté de la presse consacré au jazz.

Chez Cam Jazz, ce sont des coffrets de 11 cd remasterisés qui proposent les enregistrements réalisés sur les labels italiens Black Saint & Soul Note par des musiciens avant-gardistes africains-américains. Mal Waldron, Muhal Richard Abrams, Max Roach, David Murray, etc. Les disques reprennent à l’identique les pochettes des vinyles originaux (tout petit et illisible donc). Mais on y trouve de sacrées perles enregistrées dans les années 70, 80 et même 90. A 33 euros le coffret de 11 CD, on n’hésite plus, on se sert, ici

Un peu plus cher, mais précieux, le coffret A Woman’s Work que le label polonais Not Two fait paraître pour célébrer les 40 ans de carrière de Joëlle Léandre : Une série de concerts avec des amis proches, des Diaboliques à Fred Frith.

Plus petit mais plus rare, The definitive 45s collection (1952-1991) regroupe les singles de Sun Ra.
Rares pour certains, on retrouve tout l’humour du musicien solaire au sein de plusieurs orchestres, comme The Cosmic Rays, The Arkestra, Astro Infinity Arkestra, Outer Space Arkestra, etc. Les grands classiques comme « I Am The Instrument », « Sometimes I’m Happy » ou « Love in Outer Space » se déclinent en différentes versions et côtoient les standards comme « A Foggy Day », « Round Midnight » sans oublier les délirants chants de fin d’année : « It’s Christmas Time » et « Happy New Year To You ». Immanquable. On trouve ici le coffret en version CD, 45 tours et 33 tours.

Sorti cet été, c’est Miles Davis à la une. La série des Bootleg chez Columbia / Sony Music se poursuit avec le volume 5 intitulé Freedom Jazz Dance. Il s’agit, regroupées sur 3 cd, des pistes enregistrées en studio (bandes définitives, alternate takes, bandes de travail, dialogues, instants de répétitions) par le quintet du trompettiste lors de la fabrication de l’album Miles Smiles sorti en 1967. Quelques thèmes se trouveront aussi sur les disques Nefertiti (1968) et Water Babies (1976). Ce sont des moments d’intimité avec les musiciens au travail qui sont ainsi proposés. Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams cherchent avec leur leader la meilleure façon de jouer. Et trouvent.

Plus classique, mais pas moins bon, on retrouve une partie du catalogue Blue Note édité par séries de 5 disques et par musiciens. Kenny Burrell, Dexter Gordon, Herbie Hancock, Art Blakey, Joe Henderson, Wayne Shorter sont les six propositions en cours. Toujours sur le même principe de la reproduction de la pochette du vinyle d’origine (illisible sans loupe), ces coffrets présentent sous un bon jour les musiciens concernés à très petit prix. Une bonne façon de compléter sa discothèque si l’on est collectionneur.

Mais alors, me direz-vous, il n’y en a que pour les coffrets ?
Mais non, bien sûr. Car tout au long de l’année, nous avons sélectionné pour vous nos albums préférés, regroupés sur cette page.
Piochez-y des idées de cadeau, comme par exemple Radio One, d’Airelle Besson ; So Much More de Loïs Le Van, Les deux versants se regardent du Ève Risser White Desert Orchestra ; Never Mind the Future de Sarah Murcia ; Circles d’Anne Paceo ; Duo de Bojan Z & Julien Lourau ; Post K de Jean Dousteyssier, A Woman’s Journey de Madeleine et Salomon, Baabel de Leïla Martial ou Music is My Home de Raphaël Imbert… J’arrête là, la liste est déjà longue.

Mal aux oreilles, vous préférez lire ?
Je conseille l’énorme autobiographie de Duke Ellington Music Is My Mistress, dans sa traduction française.
Deux ouvrages plus techniques mais reliés par la thématique qui concerne les musiques de la diaspora noire, soit comme identité soit comme mode de résistance. Musiques Noires, l’Histoire d’une résistance sonore rassemble, sous la direction de Jérémie Kroubo Dagnini, des textes de chercheurs et de musiciens qui interrogent ces musiques, leur but, leur pratique et surtout qui posent la question ; résistance, certes, mais contre qui, contre quoi ? On pourrait presque appuyer la lecture de ce livre par celle de l’ouvrage à vocation encyclopédique d’Isabelle Leymarie Du Tango au Reggae, musiques noires d’Amérique Latine et des Caraïbes. La délimitation est géographique et propose une exploration par pays, par île. Pour chaque espace géographique, l’auteur rappelle le contexte historique et sociologique de l’importation forcée des Noirs, ce qui explique naturellement ensuite la nature des musiques, différentes dans les pays à très forte concentration d’esclaves de ceux où ils furent moins nombreux. Passionnant et précis, ce livre est un voyage.

Enfin, dans la série « petit mais court », vous pouvez opter pour un entretien dodécaphonique et incendiaire avec Bernard Lubat. Une petite biographie par lui-même, publiée chez Court Circuit. Plus étonnant, le livre Lettres à Miles, présente 55 textes rassemblés par Frank Médioni et publié chez Alter Ego. La préface est de Philippe Méziat et les lettres, réelles ou fictives, poétiques ou argumentées, sont autant de portraits en creux du trompettiste.
A lire au fil de l’eau.

Voilà, les courses sont faites. Ne me remerciez pas, c’est naturel.
N’oubliez pas le pain et les huîtres.