Chronique

Lars Duppler

Naked

Lars Duppler

Label / Distribution : GLM Music

Peut être sont-ce les origines islandaises de Lars Duppler qui lui donnent le goût des grandes étendues, qu’elles soient d’eau ou de rocaille. De celles qui défilent dans la « Pièce mi-longue » au cœur de son premier album solo. Nous avions remarqué le pianiste au côté du batteur Jens Düppe, dans un style assez dépouillé et plein d’images, mais il apparaissait dans le European Jazz Youth Orchestra de Helge Albin au début de ce siècle, faisant montre d’un remarquable bagage classique.

En témoigne ici l’interprétation de « My Favorite Things », à la fois déliée et touffue, où la main droite va caresser les extrémités argentines du piano comme pour donner un caractère enfantin à la ritournelle. La main gauche n’est pas en reste : attentive à mettre du relief et du souffle au Standard de Rodgers qui prend des allures debussyennes. La persistance s’étend à « How Deep is The Ocean » d’Irving Berlin, tout en nuances, où la couleur est très travaillée. Mais il ne faut pas penser que ce solo soit un exercice de reprises, de même qu’elles n’enferment pas Duppler dans un langage balisé : il n’y a que ces deux ci. Elles sont simplement une toile immaculée sur laquelle se dessine le paysage très vif de ses belles compositions.

Si l’espace était le domaine de son quartet Raetur, où il visitait l’âme volcanique de son île, la couleur est au centre de Naked. C’est la matière première d’un pianiste impressionniste qui aime à sonder les éléments, fluide comme l’eau qui file dans le très doux « Folksongs », tout en nuance ; presque en camaïeu. Naked est sans artifice, foncièrement intime, à l’image du contemplatif « Sixth Sense » qui prend son temps, sait user du silence pour ajouter une touche d’onirisme bienvenu. Quand l’artifice vient, c’est pour iriser d’écho les interludes aux noms de couleur : « Green » et son impression de sable mouvant, « Yellow » et sa chaleur caniculaire ou « Blue » comme un retour à la surface des choses. Trois couleurs qui sont la base d’une palette que le pianiste mélange à petites touches et qui composent un tableau très personnel.