Chronique

Le Duo

Plays Brel

Perrine Mansuy (p), François Cordas (sax)

Label / Distribution : Douglas Records

« Madeleine », « La Valse à mille temps », « Ne me quitte pas », « Vesoul », « Amsterdam »…
Perrine Mansuy et François Cordas, dans leur approche de l’oeuvre de Jacques Brel, n’ont pas pris le chemin tentant des chansons méconnues. Les deux musiciens se sont attaqués aux morceaux les plus célèbres, aux monuments, à ceux qui sont tellement ancrés dans la mémoire de l’auditeur que leur reprise en est toujours périlleuse.

Le jeu du duo, installé dans un climat délibérément intimiste, pourrait presque donner
l’illusion d’entendre les mots de Brel en arrière-plan. Les interprétations restent en
effet mélodiquement très proches des originaux, rendant les titres identifiables dès les premières mesures. On trouve un peu plus de liberté et d’indépendance au niveau
harmonique, au travers d’une teinte bluesy ajoutée à « La Valse à mille temps » et « Le Bon Dieu » (où la ligne de basse est empruntée au « All Blues » de Miles Davis), ainsi
qu’au niveau rythmique, grâce à quelques versions plus lentes que les originaux (notamment « Madeleine »).

Ainsi dépouillées de leurs paroles, et grâce au grand respect que leur voue LeDuo, les chansons de Brel révèlent leur profonde musicalité. Perrine Mansuy et François Cordas, qui jouent ensemble depuis 1996, profitent de leur complicité pour réaliser d’infimes variations autour de la structure initiale des morceaux. Seuls les trois titres
pour lesquels ils reçoivent l’appui de la contrebasse (« Ne me quitte pas », « Jef » et
« Vesoul ») sont l’occasion d’improvisations un peu plus développées. Mais curieusement, la quasi-absence d’improvisations (auxquelles l’auditeur de jazz est traditionnellement habitué) n’apparaît pas ici comme un défaut, loin de là.

Perrine Mansuy, avec son toucher fin et sensible, et François Cordas - qui utilise brillamment ses différents saxophones (avec une préférence pour le soprano) pour orienter l’atmosphère générale des morceaux-, évoluent avec brio dans l’univers réduit des reprises fidèles. Leur enregistrement est une précieuse occasion de redécouvrir l’univers de Brel sous un angle suffisamment proche pour rester familier, tout en permettant cependant d’appréhender de nouvelles facettes de sa musique.

par Arnaud Stefani // Publié le 10 décembre 2006
P.-S. :


Ce disque, ainsi qu’un second à venir très prochainement et consacré cette fois à Charles Aznavour, marque le retour à la production d’Alan Douglas, producteur historique d’albums tels que Money Jungle de Duke Ellington, My Goal’s Beyond de John McLaughlin, de Hendrix et d’autres, et s’inscrit dans son projet : réaliser plusieurs albums consacrés à des relectures instrumentales des plus grands chanteurs français. Une affaire à suivre de près, donc…