Scènes

Le Rhino Jazz Festival 2007

On connaît et on apprécie ce festival à contre-courant qui signe la fin de l’été et emprunte des sentines secrètes pour mieux dénicher quelques trouvailles à chaque édition.


Exit le 29è festival de Rive-de-Gier, près de Lyon. Malgré son lot de découvertes, d’inédits et d’expériences, l’édition a dû subir quelques vents contraires, tels ces orgues thermiques ou le concert de Chick Corea, purement et simplement annulé.

On connaît et on apprécie le Rhino Jazz : un festival à contre courant qui signe la fin de l’été et qui emprunte toujours des sentines secrètes pour mieux dénicher quelques trouvailles qui marquent chaque édition. Cette année, pourtant, le Rhino a dû affronter quelques vents contraires, au premier rang desquels ces orgues thermiques de Michel Moglia, restés fort discrets. Pour plaisant qu’il ait été, le concert de Barbara Hendricks chantant Billie Holiday aura fait la démonstration qu’on ne passe pas si aisément du blues à l’opéra et que l’inverse est tout aussi vrai. Si le tour de chant de Petra Magoni n’est pas non plus à proprement parler du jazz, elle et son compère savent en revanche élaborer un petit monde fait d’italien et de contrebasse qui charme au plus haut point. C’est d’ailleurs l’Italie qui aura en partie sauvé la 29è édition - qui entre-temps avait perdu son concert de clôture (Chick Corea) sans que l’auditorium de Lyon n’en donne précisément les raisons - car l’ultime soirée de Rive-de-Gier, berceau du festival, a laissé Pino Minafra faire son cirque comme il l’entendait. Ce furent trois heures de bonheur.

Quelques échos de ce beau festival

  • PETRA MAGONI–FERRUCCIO SPINETTI : MUSICA DEL ARTE

Ce duo italien qui va son bonhomme de chemin aux lisières du jazz n’a pas son pareil pour s’emparer avec irrévérence de quelques tubes canonisés.
Surtout ne pas se fier au disque, le premier, qui les a fait connaître. Un disque consciencieux et fidèle mais qui ne parvient pas à rompre la glace en s’égrenant morceau après morceau. Car le duo est bien autre chose. Petra Magoni–Ferruccio Spinetti. De droite à gauche. Lui nonchalant, nanard, narquois. Elle, filiforme, tonique, un brin ado. Mais les individualités comptent moins ici que la paire paradoxale mais efficace qu’ils composent. Car l’exercice n’est pas à dédaigner même si, côté jazz, on reste sur sa faim. Armés en tout et pour tout d’une simple contrebasse et d’une voix admirablement posée, Petra et Ferruccio embarquent qui veut dans ce qui est autant un concert qu’un spectacle à sketches où se noue et s’élucide peu à peu l’ histoire. Au point de faire passer au second plan, parfois, ce dialogue musical diffus et toujours prenant entre elle et cette contrebasse. Excepté le premier morceau où l’on abuse de l’écho, le duo reprend avec succès et finesse quelques-unes des perles de son premier album : « Roxanne », « Come Together » etc.., De fait, en live, les chansons en question s’animent. Diction et agilité de la voix viennent enlacer la contrebasse. A moins que ce ne soit le contraire. A la façon dont Petra et Ferruccio se penchent sur l’instrument qui les sépare ou les unit, celui-ci s’anime, jusqu’à devenir un personnage capable de fantaisies, de caprice et de vie propre.

Photo X/DR

Le concert révèle aussi le talent d’une chanteuse capable d’aborder tous les registres, de se promener où elle veut, même sur une chanson que l’on croit figée pour toujours. A chaque thème, Petra Magoni parvient ainsi à dénicher des nuances vocales qui font mouche. Au moment de quitter la scène, elle et lui se risquent ainsi à un « Ne me quitte pas » version italienne. Et réussissent à lui trouver de nouvelles couleurs. Peu après, ils recommencent avec un « Couleur café » dans la langue d’origine. On se convainc qu’il faut peu de choses pour que la jeune femme quitte les rivages propres et balisés d’un tour de chant bien rôdé. Et qu’elle embarque, avec deux ou peut-être trois cordes vocales qui sait, vers des scats plus crus et des intonations plus sensuelles. Néanmoins, en moins d’une heure, le duo attachant a réussi à imposer sa façon de voir, cette passable irrévérence pour d’augustes tubes que Petra aime déclamer à sa façon. Et là, peut-être, se rapproche–t-on plus qu’on ne le pense d’une véritable improvisation. Au-delà de la partition, le couple se met aussi à se raconter. Avec suffisamment de malice pour passer tranquillement d’un registre musical à une conversation intime sans témoins écoutée par un bon millier de spectateurs. Les gags se succèdent. En fait foin de couple, les deux font mine de se découvrir comme s’ils venaient de se rencontrer piazza Navona. Grosses ficelles mais parce que c’est à l’évidence bien rodé et sans prétention, ça tombe juste et ça permet de ne pas brûler les étapes en laissant tout le monde respirer.

Dernières chansons. L’attention ne se relâche pas vers ce duo qui semble capable en permanence de renouveler du tout au tout sa performance. Pour finir, on finit. Ressac des rappels. On découvre alors sur le dos de la chanteuse, un curieux papillon de fourrure noire. Tout le mystère n’a donc pas été levé.


  • BARBARA HENDRICKS : UNE DIVA AU PAYS DU JAZZ

Ils ou elles sont peu nombreux à descendre d’un piédestal confortable pour tenter un autre répertoire moins familier et plus risqué. Dans les pas de Billie Holiday, la cantatrice s’en sort avec les honneurs.

Une Diva au pays du jazz ? Barbara Hendricks délaisse donc momentanément le classique ou le lyrique pour chanter Billie Holiday. Ce n’est plus de l’opéra. Ce n’est pour autant ni du blues, ni du jazz, mais une synthèse de la vie et des expériences volontaires de cette cantatrice attachante et rare. Ici évidemment pas de voix rauque, d’accent traînant ou de cordes vocales marquées par mille et un euphorisants. Bien au contraire, la voix est claire, s’envole aisément, porte au loin une diction parfaite malgré une sono a minima qui sait capter toutes ses nuances comme celles des instruments qui l’entourent.

Pourtant, en évoquant Billie Holiday, elle touche d’autant plus au but qu’elle descend dans un registre qui ne lui est pas habituel. Elle mêle alors son chant parfaitement contrôlé à la clarinette qui suit son exemple, ou bien sûr à la contrebasse proche. Alors, en effet, Barbara Hendricks n’est pas éloignée de ressusciter celle qui manque. Mais, cela ne dure qu’un temps. Très vite, trop vite, la cantatrice cède au plaisir de l’envol et d’autres registres éloignés jusqu’à l’ultime note qui marque la fin du concert. Le concert de Saint-Etienne aura été un modèle du genre. D’abord parce qu’il s’agit de Barbara Hendricks et de contremploi.Qu’on y songe : ils ou elles ne sont pas nombreux à descendre volontairement d’un piédestal confortable dans tous les sens du terme pour tenter un autre répertoire moins familier et plus risqué. En musique non plus, il ne fait pas bon sortir des classifications établies. Ça déroute plus qu’autre chose.

Photo X/DR

Pour prévenir la chose, Barbara Hendricks laisse d’abord la scène au quartet qui l’accompagne. Le Magnus Lindgren Quartet, du nom du jeune saxophone, suédois, qui tout au long du concert et sans le chercher, a parfois volé la vedette à la grande dame. C’était d’ailleurs dit d’entrée grâce à un long solo au saxophone. Magnus Lindgren éclaire à sa façon ce concert et lui donne son identité jazz. Omniprésent et pourtant discret, offrant un soutien subtil aux pérégrinations de Barbara Hendricks, il n’est surtout pas qu’un faire valoir de sa grande voisine. On a même pu penser un instant le contraire, tant ce saxophoniste/flûtiste/clarinettiste étonnamment inspiré n’a d’égal que les trois autres musiciens qui l’accompagnent. Outre un piano subtil, véloce et pourtant là encore resté constamment à sa place (Mathias Algotsson), la formation reposait en grande partie sur Jonas Holgersson (drums) et sur Fredrik Jonsson à la contrebasse. Présentant ses musiciens en début de concert, la cantatrice hésita sur son nom. Elle ne devrait pas : du début jusqu’à la fin, Fredrik Jonssson a guidé le quartet et son invitée, soutenant, relançant les uns et les autres en apportant une assise d’autant plus riche que discrète. Il en aura été de même du pianiste qui n’est pas sans rappeler d’autres tandems fameux (Fitzgerald et Flanagan) et donc du batteur. Il suffisait ensuite de prendre ces quatre as, de mélanger, pour découvrir un quartet d’importance. Il aura été d’autant plus écouté que Barbara Hendricks aura à plusieurs reprises laissé sa place à l’avant–scène, comme si le véritable invité à découvrir était en effet cette formation venue du nord.
Enfin, elle n’aura guère abusé du micro et des intermèdes si ce n’est pour s’associer par la pensée aux bonzes birmans torturés, maltraités et séquestrés par la junte et à la situation que continue d’endurer le Darfour.


  • L’ARGENT, FORCÉMENT COMPLEXE, D’YVES ROBERT

Le tromboniste s’attaque à l’argent, ennemi, obsession, fléau, bonheur, spéculation. Un concert ambitieux mais pas facile. Œuvre étrange mais ambitieuse L’Argent, Dénoncé ici, avec son cortège de valets peu regardants, de petites mains cyniques, de traders et de financiers qui rient pendant que d’autres, beaucoup d’autres, pleurent… C’est donc à l’Argent qu’Yves Robert s’attaque ou se consacre. Un concert à demi-mot, à demi-aveu, fait d’obsessions, de cauchemars et de multiples ambivalences.

Photo X/DR

Le tromboniste n’a pas craint la difficulté. Il l’invoque même, comme inhérent à la toxicité de son projet. L’argent ? Large contrebasse sourdant constamment (Jean-Philippe Morel), visage angélique mais fermé d’Elise Caron dont la voix échappe à l’enfermement, claviers et boîtes à rythmes (Stefanus Vivens) usant et abusant de sampling, ces petites répétitions, symboles de l’« entravement » qui se révèle sous nos yeux. Face à cela, la liberté du trombone prévaut et enchante. Yves Robert, au faîte de son instrument, trouve ici une couleur particulière, bavarde, expansive, malgré l’aridité du sujet. Set mené d’un trait, réussi en ce sens que tout est livré avec la même bonne foi au public. Mais, aussi aride, déshumanisé et lassant. Les tableaux se succèdent. Mélodies contrariées. Joies et bonheurs étouffés. Parfois, une accalmie, qui tranche sur la tempête. Mais bien vite on glisse à nouveau. En fond défilent des images du Wall Street effervescent des années 30 . Comme autant de clichés : l’âpreté de la spéculation, de l’argent vite gagné. Les musiciens d’Yves Robert ne se font pas prier….


  • ORGUES THERMIQUES : MICHEL MOGLIA ALLUME LE FEU

Des tuyaux. Des tuyaux partout. Fusant dans toutes les directions. De toutes tailles. Agencés selon des ressorts qui nous échappent. Répartis sur une scène immense construite pour l’occasion. Pile devant la mairie et son divin panneau « Rive-de-Gier, respirez ». Ces « Chants Thermiques » attendus pour 21h30 sont le clou de cette soirée qui fusionne le Rhino et la ville pour une fois restée dehors à flâner plutôt qu’à se serrer devant un petit écran.
Le clou ? Entendez plutôt la flamme, gigantesque, multiple, sonore mais soumise à l’inspiration de Michel Moglia créateur de ces chants thermiques précédés d’une flatteuse réputation. Car associer grandes ou petites orgues et feu n’est en effet pas banal. Les associer au jazz ne peut que nous plonger encore un peu plus dans un abîme inexploré.

21h30, l’heure de l’orgue. Le public est là, évidemment intrigué. Au centre donc, les machines de Michel Moglia. Une quasi-raffinerie miniature, en état de marche. De part et d’autre, aux extrémités de la scène, les deux comparses de ces chants, Claude Barthélémy d’un côté, Lionel Martin de l’autre. Lionel Martin qui n’en est pas à son coup d’essai au Rhino-Jazz.

Tout à coup, le spectacle démarre. En même temps que la musique monte, les tuyaux s’embrasent, les uns après les autres ou ensemble. A la baguette, Michel Moglia. Au-delà de la performance visuelle, cet embrasement est censé surtout provoquer des sons peu habituels « qui secouent jusqu’aux entrailles », au moins aussi étranges que la vision qui apparaît depuis le pied de la scène. Et là réside évidemment tout l’intérêt du spectacle : de s’extirper d’une simple performance technique de montage et de mise à feu pour parvenir à inventer des sonorités uniques.

Photo X/DR

Barthélémy et Martin, installés sur leur falaise respective, hors de portée des flammes, démarrent de façon tonitruante. Et durant l’heure de concert, ils resteront omniprésents. Barthélémy échangeant sa guitare pour l’oud, Lionel Martin tentant comme toujours de faire se démultiplier ses sax. Le public retient son souffle. Surtout que Michel Moglia après quelques passes rapides sur un orgue de moyenne portée peu audible, s’attaque à sa pièce maîtresse aux tuyaux surdimensionnés. Las. A part quelques sons assez diffus, les tuyaux ne réagissent que peu à la flamme. Et si l’effet visuel est bien là, on ne voit pas venir l’invention d’un nouvel instrument reculant un peu plus les limites de l’univers des musiques improvisées.

C’est en se plaçant au centre d’une machine plus ramassée que Michel Moglia va réussir à faire parler enfin ses instruments. A chaque tuyau mis à feu, un son plus ou moins grave censé se marier à la musique du sax et du guitariste. On s’achemine vers un bouquet final nourri de flammes montantes et de musiques venues d’ailleurs. Malheureusement, en dépit des efforts du concepteur qui grâce à un pupitre placé devant lui peut actionner les tuyaux qu’il souhaite, le ton ne monte pas. Et on se convainc que le spectacle est en effet visuel, seulement visuel. Mauvais réglage de sono ? amplification défaillante ? L’amateur de jazz ou de musiques nouvelles repart déçu et frustré devant cette performance technique. Le public qui ne demandait qu’à voir s’allumer-le-feu aura quant à lui été séduit par le show et aura attendu le rappel. En vain. Sans doute parce que les bonbonnes de gaz avaient déjà tout donné.


  • LE MINAFRIC MULTICULTI ORCHESTRA : JUBILATION TOUTES

Venit, vidit… Pino Minafra a pris à bras le corps son œuvre, ses musiciens et le public pour enfanter un événement musical, joyeux, un peu loufoque mais ô combien convaincant. Quand il apparaît, il se passe toujours quelque chose. Artistiquement, musicalement mais pas seulement. L’homme a l’art de provoquer les chocs, les rencontres, de faire d’un simple concert une quasi-pièce de théâtre, une comédie musicale. Et surtout un événement qui sort de l’ordinaire, dépasse la scène, associe beaucoup plus que la simple formation qui l’entoure : ainsi hier soir, non seulement un bon nombre de musiciens de Rive-de-Gier + Saint-Fons ont été tout heureux du petit tour de piste qu’ils ont pu réaliser avec le Minafrica, mais aussi le public, devenu au fil de la soirée un musicien à part presque entière.

Ce qui s’est passé à Rive de Gier est d’autant moins banal que le disque Terranonia (d’où provenaient la plupart des musiques) reste pour une part figé et grandiloquent. Magie de la scène. Magie d’un musicien qui sait transfigurer en toute décontraction, divertir et surtout entraîner tout ce qui l’entoure ; que ce soit de jeunes flûtistes et saxophonistes qui font peut-être leurs premiers pas sur scène, son propre middle band (près de 15 musiciens) ou ses quatre chanteuses entrées à mi-parcours et qui ont, elles aussi, fait franchir un cran à la performance.

Performance, car tout a commencé dans une atmosphère de grosse répétition ou de concert de fin d’année. 40, 50 musiciens/ciennes se pressant sur scène, à ne pas pouvoir étirer son trombone ou sa flûte traversière. Pino apparaît, discute, interpelle. On en oublie où l’on est, le public, la partition ? Ou au contraire, on se jette enfin à l’eau sous la conduite du maestro. Lequel a une façon bien à lui de diriger : ça tient du matelas multispires, du déhanchement de héron et du gardien de la paix au carrefour. Mais c’est on ne peut plus communicatif et ça installe pour tout dire un très sympathique foutoir jusqu’au moment où la musique reprend ses droits.

Photo X/DR

Le temps d’avaler cette petite première partie et voilà le Minafric Multiculti Orchestra et ce « Terronia ». Une œuvre musicale intrinsèque qui se déroule deux heures durant. Un poème épique musical qui saute à pieds joints sur tous les styles possibles, depuis le péplum romain au Dixieland en passant par l’Art Ensemble, Stan Kenton, les flons-flons des siècles passés mais aussi l’opéra ou la comédie musicale. Qu’importe, le Minafric a tout en magasin : qu’il s’agisse de la rythmique, étonnamment présente tout au long des trois heures, des trombones, des trompettes mais surtout des quatre sax qui ont toujours réussi à renouveler leurs interventions et à se démarquer les uns des autres.

Il y eut bien quelques longueurs. A peine. Vite corrigées par un nouvel élan ou un changement de direction. C’est tout l’art de Pino Minafra : sans cesse corriger le tir, relancer sa machine, en révéler une nouvelle facette malgré les lourdeurs inhérentes à une création. Lui–même n’est pas en reste. Trompette. Bugle. Homme–orchestre. Homme de claque voire chef de chœur d’un public sous le charme. Et enfin, homme au porte-voix scandant des choses en partie incompréhensibles. Le pompon, Pino Minafra l’a décroché lorsqu’en toute fin de concert, alors que son fils, excellent pianiste mais aussi accordéoniste, prenait le relais, il se mit à présenter chacun des musiciens en susurrant leurs noms et prénoms. Effet garanti.

D’un bout à l’autre, le public a suivi ce mystère musical qui prenait corps sous ses yeux. Un mystère qui mériterait d’être repris sur d’autres scènes tant le Minafric Multiculti Orchestra convainc au bout du compte de l’originalité de sa démarche et du bien-fondé de son entreprise.

Capello, l’artista.


Caluire (Radiant) : Pink Petticoat mais déjà grand talent…

Marine Pellegrini use de sa voix un brin cassée pour mieux investir ses chansons. Entre charme mutin et force de conviction, elle impose son équilibre, bien servi par un trio volontairement discret. Ils étaient passés par la scène de Cybèle à Vienne cet été (le 10 juillet). Ils sont repassés par celle du Radiant à Caluire.

Changement d’échelle et d’attention du public, venu avant tout pour les suivants mais qui s’est laissé convaincre par cette formation jeune au jeu pourtant élaboré. Pink Petticoat s’en est en effet fort bien sorti. Un trio jazz on ne peut plus classique au service de Marine Pellegrini, chanteuse. S’y rajoute Olivier Ikeda à l’écriture. Sauf exceptions, Pink Petticoat et donc Marie chantent en français. De sa voix un brin cassée, un brin nasillarde, la jeune femme impose immédiatement une intimité dont elle soulève au fil des chansons des facettes diverses. Attachante, mutine, en en jouant quelque peu, elle possède néanmoins un art de convaincre qui s’impose d’emblée. Car elle met dans son art, dans les paroles de ces chansons qui ne paient pas de mine, une énergie qui métamorphose l’ensemble. Pour mieux parvenir à ses fins, elle est capable de se mobiliser face au micro, voire de risquer de s’enlaidir pour mieux rugir et communiquer avec ceux qu’elle dévisage. [1]

A ses côtés, le trio joue avec précision et retenue. Jean-Baptiste Hadrot est au piano, Brice Benerd à la contrebasse et Roland Merlinc à la batterie. C’est bien rodé, sans ajouts inutiles susceptibles de contrarier l’écoute. A peine ici et là, l’un des instruments s’échappe-t-il avec légèreté, avant de rentrer bien vite dans le rang.

Au total, un chant poétique tendre, délicat et musical qui s’impose tranquillement, sûrement.

Concerts à venir :

  • 20 janvier 2008 - 18:30 - Atelier Gédéon, Sillac - Lyon
  • 15 février 2008 - 20:30 - La Ferme à Jazz - Bourg en Bresse
  • 8 mars 2008 - 20:30 - Le Bastringue - Lyon
  • 11 mars 2008 - 20:00 - A Vaulx Jazz - Vaulx-en-Velin
  • 22 mars 2008 - 20:30 - Le Périscope - Lyon
  • 25 avril 2008 - 20:00 - Le Train Théâtre - Bourg-lès-Valence

Sharon Jones : La first lady de la Soul au Ninkasi (Lyon)

Sharon Jones, quintessence de la Soul… Avec les Dap Kings resserrés autour d’elle, la chanteuse a allumé le Ninkasi comme rarement. [2].

Sharon Jones ou la quintessence de la Soul comme on l’a rarement vue et entendue. Il faut en effet remonter loin pour retrouver cette énergie pure, cette foi collective propice à la résurrection, là, à portée de mains, de ce que Stax avait fait de meilleur et de plus attachant. Tout y est, mais quoi au juste ?

Les Dap Kings d’abord. Un son impec, carré comme un cube, où « rien ne se perd tout se crée ». Une formation de huit musicos rangés façon boîte de nuit. Huit musiciens assez exceptionnels qui parlent d’une seule voix, peaufinant ensemble un son immédiatement saisissable.

Tout y est donc. De la batterie omniprésente au sax baryton constamment sur le qui-vive jusqu’à la guitare efficace en diable, tenue par un géant des Carpates (pourquoi des Carpates…. ?) et surtout, surtout, une trompette qui n’a pas son pareil pour venir parachever les battements qui montent en régime.

Il suffit alors d’un Monsieur Loyal façon rythmn & blues pour annoncer que le miracle va avoir lieu. Et de fait, arrive enfin Sharon Jones, déjà chauffée à blanc [3], prête à reprendre l’orchestre au bond. La fusion est immédiate, la chanteuse venant ici jouer les clefs de voûte d’un modèle rare, voire unique. D’un seul coup, les Dap Kings passent un cap, si tant est que ce soit possible ; les voilà encore plus sonores et imbriqués. Chaque instrument sert les autres et avant tout Sharon Jones.

Celle-ci est au four et au moulin. Petites couettes façon collège, petit ensemble foncé qui la serre un brin. Tour à tour, on va chercher le public puis les musiciens, un par un. Le rythme monte en puissance. Outre James Brown, là voilà qui balance ses tubes. Ôte boucles d’oreilles et chaussures pour mieux danser. Danse initiatique. Fait monter quelques jeunes sur scène. Les renvoie. Extorque à chaque musicien un solo toujours plus personnel. Rigole. Parle. Fait chanter. Déjà partie, déjà sortie de scène. Déjà plus là ? Le temps a passé vite avec ce petit bout de femme montée sur 300 000 volts qui vous ferait aimer les électrocutions. Elle revient, bien sûr, et n’a qu’à souffler one more time sur le brasier pour le raviver de plus belle.

Bref, Sharon Jones est aujourd’hui la first lady de la Soul. Authentique et généreuse. Complètement contenue dans sa musique, qu’elle extériorise comme rarement. Plaisir de jouer, d’être sur scène - surtout le type de scène qui incite les musiciens à se serrer les coudes, à rester tout près de leur leader. Au bout du compte, il y a quelque chose de quasi amateur dans cette façon de jouer et de balancer du rythme puissance 10 avec la volonté d’approcher la perfection. Autant de bonnes raisons d’aller se rendre compte par soi-même.

par Jean-Claude Pennec // Publié le 19 décembre 2007
P.-S. :

Concert Partenaire

[1A ce sujet, on aura pu apprécier son scat qui épouse toutes les couleurs des saisons, et des fruits. Pour scatter sur de la groseille et son univers d’enfance en Ardèche, il faut de l’adresse.

[2Si vous aviez loupé le Ninkasi à Lyon, vous aviez encore une chance de retrouver la bête de scène et sa portée musicale. Sharon Jones investissait en effet Nice le 3 novembre avant de partir pour une très longue tournée

[3La première partie avait déjà été plus qu’honnête avec ces Dynamites débarquées de Nashville en compagnie de Charles Walker. A charge pour eux de préparer le terrain et de chauffer l’ambiance. Ils ont fait mieux que ça.