Chronique

Le trio d’en bas

Le Trio d’en bas enlève le haut

Samuel Bourille (p,synth,ss,fl,voc), Arnaud Rouanet (ts,cl,perc,sampler,tb), Yoann Scheidt (dm,vib,tb), Tony Leite (g sur # 2)

Label / Distribution : Autoproduction

Il y a des musiques « ordonnées » et des musiques qui ne cessent de fuir l’ordre. Pour exister, ces dernières ont besoin de bousculer, de déranger, de se dérouter elles-mêmes avant de dérouter leurs auditeurs. La musique du Trio d’en bas fait partie de cette deuxième catégorie. Mais la bousculade, si elle était attendue, n’en serait pas vraiment une, et, surtout, manquerait à l’effet de surprise sans lequel elle n’est rien. C’est pourquoi, sans doute, les protagonistes de cette formation pas comme les autres ont choisi de s’embarquer dans de pleines aventures (et non dans une des aventures formatées où tout est joué d’avance qui fleurissent dans notre monde).

À ce titre, il n’est pas certain que la démarche soit entièrement délibérée et que Yoann Scheidt, Arnaud Rouanet et Samuel Bourille, les membres de ce trio a-hiérarchique, sachent véritablement où ils vont. Le Trio d’en bas enlève le haut, disque qui bénéficie de la participation du guitariste Tony Leite et des conseils artistiques de Denis Badault, nous emmène vers des territoires le plus souvent inattendus.

Il serait contradictoire de les décrire ici : un des principes de cette musique s’en trouverait amoindri. En revanche, on peut dire que l’écoute de ce disque nous réjouit. Nous porte, emporte, amuse, divertit, enchante (on a parfois envie d’entonner – il faudrait en être capable – quelques passages). Rien n’est jamais futile, car rien n’est artifice, artificiel. Tout est vrai, spontané, joyeux et vivant. Pensé, voire pesé. Et ce n’est pas un paradoxe : on peut mesurer son coup sans être calculateur.

Voilà ce qu’on aime dans la musique du Trio d’en bas : une inventivité constante et un enthousiasme en partage. Cependant, il reste une frustration. En concert, il est extraordinaire de voir cette musique « mise en scène ». Et pour qui a déjà vu le Trio, sur disque, il manque quelque chose. Pourtant, que les auditeurs de cette geste consistant à « enlever le haut » (où, plus qu’un simple déshabillage, on peut voir le démontage de toute superstructure) se rassurent doublement : d’abord, la musique se suffit à elle-même et crée, de façon assez surprenante, des images mentales riches et enrichissantes ; ensuite, on pourra notamment revoir le groupe les 12 et 13 mars 2013 sur les planches de la Scène Nationale de Narbonne pour un Que voulez-vous, nous nous sommes aimés inspiré du dernier vers de « Couvre-feu », sublime poème de Paul Eluard, où Samuel Bourille a joué un rôle essentiel.