Chronique

Le cube

Frelon rouge

Alban Darche (saxes), Sébastien Boisseau (b), Christophe Lavergne (dm)

Label / Distribution : Yolk Records

En quinze ans, le Nantais Alban Darche s’est construit une belle renommée de compositeur, d’arrangeur, de chef d’orchestre et de meneur de projets originaux et multiples. Mais parmi toutes ces casquettes, il en est une qu’on a tendance à oublier, celle de saxophoniste – ici au soprano, à l’alto et au ténor ; son discours et sa technique sont pourtant à la hauteur de ses autres talents ! Or, de toutes des aventures musicales, Le cube est celle qui met (un peu plus) en avant l’instrumentiste, en plus d’être à la fois l’origine et la conclusion de ce qui constitue son univers, véritable laboratoire et clan rapproché où il aime à se ressourcer.

Ce trio avec Sébastien Boisseau et Christophe Lavergne existe depuis une décennie, mais entre-temps, Darche compositeur a changé, affirmé son style, en s’amusant à multiplier les angles de lecture, en densifiant la musique du Cube pour Frelon rouge par rapport au précédent disque pourtant enregistré en sextet, Le thé, mais toujours avec un jeu d’une grande fluidité. Autour d’un répertoire entièrement signé de sa main et en bon chef d’orchestre amoureux des ensembles élargis, il n’a pu s’empêcher de créer un pupitre de saxophones à lui tout seul (très subtilement sur « La Pornicaise », virtuellement sur le « Café du change » ou pour les lignes entrelacées de « Caminhada »).

Très doué pour les mélodies personnelles et entêtantes, il donne à entendre une autre de ses caractéristiques dans ces morceaux aux multiples facettes rythmiques et mélodiques, une complexité qui se retrouve dans ses solos – leur construction, les résonances qui les parcourent –, sans nuire à la parfaite cohérence de l’ensemble. Le retour du Cube mêle humour, folklore imaginaire (« La pascoalaise »), hommage déclaré (« Mon tribut à Tim Burton »), souvenir des illustres anciens (« L’homme rigolo » qui pourrait être signé Jimmy Giuffre)…

Frelon rouge met également en lumière l’exceptionnelle paire Boisseau/Lavergne, dont la justesse et la puissance inspiratrice, la beauté des sons mêlés, la modernité de la relation et l’imagination sans bornes participent pleinement de cette superbe réussite (le morceau éponyme en est une parfaite illustration). L’album des dix ans, probablement le plus réussi, le plus marquant, d’un trio majuscule.